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les deux frisées et bouclées, que nous offrent tous les bas-reliefs de Ninive. Le nez est brisé ; mais, d’après les bas-reliefs et les figurines de la même époque, surtout d’après un curieux fragment recueilli dans les fouilles, il devait être arqué, un peu gros du bout et d’une courbe moins accusée que dans les figures assyriennes. La structure de la face, à la prendre dans son ensemble, est carrée, comme celle du corps ; elle diffère du galbe arrondi des visages assyriens. Avec M. Heuzey, nous ne croyons d’ailleurs pas qu’il y ait lieu de soulever à ce propos une question de race. Comme le remarque très finement notre savant confrère, « ce n’est qu’avec une extrême réserve que l’on peut se hasarder à faire de l’ethnographie avec les types créés par la sculpture, surtout avec les types archaïques, plus soumis que les autres aux conventions d’école. Or c’est une habitude commune aux sculpteurs des époques anciennes que de laisser subsister dans leur travail la trace des plans qui ont servi à le préparer. C’est aussi en tout pays la marche constante de l’art de passer des formes anguleuses et carrées aux termes coulantes et arrondies, des proportions courtes et fortes aux proportions plus élégantes[1]. »

Les tendances qui se manifestent dans le rendu de la face et des parties découvertes du corps s’accusent aussi dans la manière dont est traitée la draperie. « Le sculpteur a cherché ici, avec beaucoup de naïveté et de justesse, à donner quelque idée du relief et de la direction des plis du vêtement. Cette première et timide étude des plis est d’autant plus remarquable que c’est une tentative isolée, qui ne se reproduit ni dans la statuaire égyptienne ni dans la suite de l’art assyrien. Elle témoigne d’un sentiment sculptural que l’art grec seul retrouvera, pour donner au jeu des draperies le magnifique développement que nous connaissons. »

Les figures que nous venons de décrire nous paraissent représenter l’art chaldéen archaïque. Ce que l’on appelle l’archaïsme s’y marque à certains traits qu’il est plus facile de sentir que de définir. Ces figures sont, en général, surtout les figures assises, d’une forme très ramassée ; elles paraissent courtes, comparées non-seulement aux figures élancées de l’époque es Sargonides, mais encore aux robustes figures des bas-reliefs de Nimroud. Si l’on en juge par certains indices, le cou devait être court et la tête très forte pour le corps, comme on le voit dans une statuette d’albâtre où notre regretté confrère, M. de Longpérier, avait le premier et depuis longtemps reconnu un ouvrage de l’ancien art chaldéen[2]. Le cou et le bas du vêtement dessinent des angles aigus que la sculpture assyrienne

  1. Heuzey. les Fouilles de Chaldée, p. 11.
  2. A de Longpérier, Musée Napoléon III, pl. 2.