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des membres. Ce que vous rencontrez dans toutes ces figures, qu’elles soient debout ou assises, c’est bien, à peu de chose près, le vêtement assyrien, tel qu’il se conserve, avec de légères variantes, jusqu’aux derniers jours de la monarchie ninivite ; c’est un vêtement épais et collant, d’où ne se dégagent pour se montrer à nu que l’épaule, le bras ou l’avant-bras et la partie inférieure de la jambe. On n’aperçoit pas ici la tunique qui formait le vêtement de dessous des Assyriens ; mais on y retrouve partout la pièce la plus importante et la plus apparente de ce que l’on peut appeler le costume national de la Mésopotamie, le châle de laine à franges. « La pièce d’étoffe, pliée en deux, est roulée obliquement autour du corps, de manière à couvrir le bras gauche et à revenir sous le bras droit, qui reste nu ; l’angle extrême est simplement repassé dans le premier tour et il y tient aussi solidement que s’il était agrafé[1]. » C’est bien là le principe du manteau assyrien ; la seule différence, qui tient à celle des matières employées par les deux statuaires, c’est qu’ici les franges, au lieu d’être, comme à Nimroud et à Khorsabad, ciselées en relief, avec tout le luxe et la complication de leurs passementeries, sont indiquées par de simples traits parallèles gravés à la pointe.

S’il fallait pousser la comparaison jusqu’au bout, nous pourrions signaler encore bien d’autres ressemblances. En Assyrie comme en Chaldée, dans les stèles et dans les rares figures en ronde-bosse qui représentent des dieux et des rois, aucune variété d’attitudes, aucun mouvement ; c’est toujours la même pose, d’une gravité tranquille, qui ressemble à la suspension de la vie. Dans la station verticale, les deux pieds, dont les orteils dépassent le bas du vêtement, sont placés sur la même ligne ; la statue d’Assournazirpal, au Musée britannique, nous les montre disposés tout à fait comme dans les statues de Goudéa : « Celles-ci ont toutes, sans exception, les mains serrées contre la poitrine, la droite placée dans la gauche, geste qui marque encore aujourd’hui en Orient l’immobilité respectueuse du serviteur attendant les ordres de son maître. Si, comme tout le fait croire, ces figures étaient placées dans un lieu sacré, en face des images des dieux ou des symboles qui rappelaient leur puissance, l’attitude de la soumission et du respect devenait une attitude religieuse[2]. » Or, à Nimroud et à Khursanad, ce même geste expressif est tantôt celui des eunuques, qui se tiennent debout devant leurs maîtres, tantôt celui des rois, qui ont les yeux fixés sur leur divin protecteur. Il nous serait aisé de citer d’autres exemples de ces ressemblances significatives qui témoignent

  1. L. Heuzey, les Fouilles de Chaldée, p. 13.
  2. Ibid., p. 12.