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le Chat-el-Haï jusqu’à la hauteur de Tello ; alors le voyage durera plus d’une semaine.

L’ensemble des monticules, dont le plus élevé domine d’environ 15 mètres la surface nue du désert, couvre un assez grand espace ; mesuré du nord-ouest au sud-est, le terrain sur lequel ces tertres sont épars a de 6 à 7 kilomètres de long. Il a dû y avoir là une ville importante, dont la population était assez considérable. Aujourd’hui, faute d’eau, ce site est inhabitable ; mais, dans l’antiquité, le Chat-el-Haï passait peut-être beaucoup plus près de Sirtella ; c’est ainsi que les assyriologues lisent jusqu’ici le nom qui se trouve, bien des fois répété, dans tous les textes recueillis en cet endroit. Depuis qu’il est abandonné à lui-même, le cours de ce fleuve artificiel a pu se déplacer vers l’ouest. Peut-être aussi la cité était-elle desservie par un canal secondaire, dérivé de la grande artère voisine ; c’est vers cette dernière hypothèse que pencherait M. de Sarzec.

À peine commencées, les fouilles révélèrent l’existence de nombreuses constructions ; elles fournirent assez de fragmens de statues, d’inscriptions et d’autres objets divers pour que, sans être archéologue, M. de Sarzec pût déjà se rendre compte de la richesse du champ qu’il avait entrepris de défricher. Il continua donc ses travaux jusqu’à ce que la saison, trop avancée, le forçât de les interrompre, et l’année suivante, il revint s’établir sur le même terrain pour plusieurs mois encore. Après cette seconde campagne, il partit pour aller chercher en France un repos que lui avait rendu nécessaire l’état de sa santé ; il emportait avec lui quelques monumens qu’il avait réussi à conduire jusqu’à Bassorah et à embarquer sans attirer l’attention ; le plus important était la partie supérieure d’une statue colossale, de celle qui est aujourd’hui placée au Louvre, vers le milieu de la galerie assyrienne ; tout le bas de la figure, dont l’enlèvement et le transport auraient été trop difficiles, avait été recouvert de terre et laissé dans la tranchée.

À Paris, sur la vue des échantillons qui leur furent montrés, quelques bons juges se rendirent compte tout d’abord de l’intérêt que présentaient les découvertes faites à Tello ; nous citerons particulièrement deux membres de l’Académie des inscriptions, M. Waddington, érudit éminent qui dirigeait avec beaucoup de compétence et d’autorité le département des affaires étrangères, et M. Heuzey, alors conservateur-adjoint des antiquités au Louvre. Le Musée se fit céder sans plus de retard les objets déjà recueillis par M. de Sarzec, et celui-ci fut vivement engagé par le ministre à reprendre et à continuer ses travaux. On convint de ne pas ébruiter la découverte ; il fallait éviter que des étrangers eussent l’idée d’aller disputer à notre consul un champ de recherches sur lequel il n’avait encore qu’un droit tout moral de premier occupant. C’eût