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de notre récente conquête, nous ne pouvons pas encore nous flatter d’avoir rejoint nos heureux rivaux ; mais nous possédons, dès maintenant, cet avantage que les monumens acquis l’an dernier par le Louvre forment un groupe à part qui représente l’enfance et la jeunesse d’un art dont nous ne connaissions guère jusqu’ici que la maturité et la vieillesse. Nos bas-reliefs et nos statues de Tello, nous ne les donnerions pas pour dix paires de taureaux ailés et pour tous les bas-reliefs de Kouioundjik et de Nimroud.


I.

C’est à la curiosité, à l’énergie et au patriotisme de M. de Sarzec que nous devons ces sculptures ; la justice veut donc que nous lui fassions honneur de sa découverte. Nous nous reprocherions d’ailleurs de ne pas saisir l’occasion qui se présente d’esquisser le portrait d’un de ces agens comme la France en compte beaucoup parmi ceux qui la représentent à l’étranger. C’est le moment ou jamais de rendre hautement témoignage à ceux qui le méritent : qui sait à quelles mesures ou, tout au moins, à quelles propositions conduira la politique à courtes vues vers laquelle semble incliner en ce moment l’opinion du pays, — telle au moins qu’elle se manifeste à la chambre des députés ? On ne tardera peut-être pas à demander la suppression en bloc de tous les traitemens de nos ambassadeurs, de nos ministres plénipotentiaires et de nos consuls. Pourquoi dépenser tout cet argent si la France est bien résolue à ne plus regarder au-delà de ses frontières continentales, qui, hier encore, ont reculé et se sont misérablement rétrécies ? Il faut pourtant bien, objecteront ceux qui gardent encore les préjugés d’autrefois, que, chez tous les peuples avec lesquels nous sommes en relation, nos nationaux, s’ils sont menacés dans la sécurité de leur personne ou lésés dans leurs intérêts, trouvent quelqu’un qui, parlant au nom de la France, ait le droit et le devoir de s’interposer en leur faveur, quelqu’un qui puisse, au besoin, les envelopper des plis du drapeau. À quoi l’on répondra, comme on l’a déjà dit brutalement dans les réunions publiques et à mots couverts en plus haut lieu, que les Français n’ont qu’à rester chez eux. Ceux que conduit au dehors le plaisir de voir le monde et la variété de ses aspects, ceux mêmes qu’entraîne la sainte curiosité de la science, esprits inquiets, dilettantes qu’il faut abandonner aux conséquences, souvent fâcheuses, de leurs ambitions et de leurs fantaisies ; ceux qu’ont décidés à s’exiler le mouvement des affaires et le désir de conquérir l’aisance ou la fortune par des moyens honnêtes, marins, commerçans et ingénieurs, on les traite plus durement encore ; ce ne sont