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réduisant l’occupation à six départemens. Bientôt, à mesure que les paiemens se succédaient, lorsque, entre les vaincus et les vainqueurs, les relations diplomatiques se trouvaient déjà rétablies par l’envoi de M. de Gontaut-Biron comme ambassadeur de France à Berlin et par l’arrivée du comte d’Arnim comme ambassadeur d’Allemagne à Paris, l’idée de reprendre la question s’était manifestée. Le 29 juin 1872, une convention nouvelle avait été signée, modifiant les conditions primitives, combinant les paiemens échelonnés des 3 derniers milliards avec une retraite graduée de l’armée étrangère. La France avait maintenant, non plus jusqu’au 2 mars 1874, mais jusqu’au 1er mars 1875 pour s’acquitter; elle avait obtenu un délai d’une année. D’un autre côté, l’Allemagne devait quitter la Marne et la Haute-Marne quinze jours après le versement de 500 millions sur cette seconde partie de l’indemnité, les Ardennes et les Vosges quinze après le paiement de 2 milliards, la Meuse, Meurthe-et-Moselle et Belfort au solde définitif, au 15 mars 1875. Par prudence, au moment de tenter le suprême effort, M. Thiers avait cru devoir souscrire à un système qui, en prolongeant l’occupation pour quelques départemens, l’abrégeait pour d’autres et laissait à la France un peu plus de temps pour remplir ses obligations. On en était là quand, peu de jours après, éclatait pour ainsi dire le second emprunt, prodigieux témoignage des ressources et du crédit de la France. Dès lors, M. Thiers, enhardi par le succès, armé du droit qu’il s’était toujours réservé d’anticiper les paiemens, entrevoyait la possibilité de brûler les étapes, de rapprocher les échéances, de gagner dix-huit mois pour la libération de tous les départemens encore occupés. Ici seulement on ne pouvait rien sans une négociation nouvelle, et entre les deux parties s’élevaient des doutes, des méfiances, des craintes qui pouvaient rendre cette négociation singulièrement difficile.

L’Allemagne ne laissait pas de se montrer surprise de cette explosion de ressources et de la vitalité de la France. Elle avait beau se dire qu’il n’y avait plus à s’inquiéter a de cette masse d’hommes qu’on appelait autrefois la grande nation française, » que, d’ici à longtemps, l’armée française « ne serait point en mesure de soutenir une guerre même de courte durée,.. qu’elle ne pèserait pas plus dans la balance que, par exemple, celle de la Belgique, » elle n’en était pas sûre. Elle suivait avec une curiosité impatiente tout ce qui se passait à Paris, à Versailles, ces réveils si prompts de prospérité matérielle, les efforts tentés pour réorganiser l’armée, les ressentimens mal contenus d’une nation aigrie par le malheur. Elle se montrait déconcertée et presque irritée de cet état de la France, qu’elle ne comprenait pas toujours. Le comte d’Arnim,