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hors de combat les instrumens déjà appauvris qui forment la plus grande partie des escadres est luire un mal médiocre ; atteindre les plus formidables du moment est hâter de peu la ruine qui, même épargnés par la guerre, les attend au fond des arsenaux. Tant que l’effort vers le mieux ne se sera pas arrêté, aucune création n’étant durable, aucune perte ne peut atteindre d’une blessure durable l’avenir. S’il s’agit du présent, l’unique ressource d’un peuple surpris par des attaques maritimes peut être de détruire les flottes ennemies pour sauver ce qu’elles menacent ; soit. Mais une marine n’a pas pour mission de se laisser devancer, ni pour devoir d’attendre ; elle aspire à l’offensive, et si l’offensive offre mieux que des batailles navales, pourquoi les chercher avant tout le reste ? Pour assurer, en brisant d’abord la force adverse, le succès des desseins auxquels elle s’opposerait peut-être ? Mais si l’obstacle qu’elle apporterait à un plan de campagne semble à craindre, le remède est-il de hâter l’exécution en évitant l’obstacle, ou, pour supprimer l’obstacle, d’abandonner le plan lui-même ? N’est-ce pas à la guerre surtout que remettre est perdre ? Quelle sagesse conseille. par peur d’un danger incertain, de fuir l’occasion propice, et quelle logique ordonne, s’il ne se présente pas, de le chercher ? La prudence comme la logique guideront les flottes droit au but le plus important, et le but le plus important est l’attaque du commerce et du littoral ennemis.

Le commerce maritime transporte des richesses croissantes, mais il a changé de caractère. Trois choses surtout l’ont modifié : la publicité des nouvelles, la marche des navires, les règles du droit international. Les incidens politiques peuvent être connus dans le monde entier au moment même où ils éclatent et les ports marchands sont des centres très actifs d’informations. La guerre la plus subite ne surprendra personne. Les bâtimens qui se chargeraient à l’étranger sauront ce que leur conseille la prudence et, si une marine ennemie les menace, ne prendront pas la mer. Quelques traversées, il est vrai, lassent plusieurs mois des navires sans communication avec la terre, mais ces navires sont des voiliers, et la navigation à voiles, après un dernier effort, ne lutte plus contre son déclin. Réduite depuis longtemps au transport des matières lourdes, elle n’offrirait que des prises sans importance ; elle aura cédé dans quelques années presque partout la place aux bâtimens à vapeur. Ceux-ci accomplissent en un mois leurs plus longs voyages, la traversée de l’Indo-Chine en Europe. Le percement de l’isthme de Panama, l’élargissement du canal de Suez, sans compter de moins importantes améliorations sur les routes maritimes, rendront les délais plus courts encore. Si les navires ont pris la mer sans soupçon des hostilités que précèdent toujours des rumeurs et un pressentiment de