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l’Égypte un régime de liberté ? Au reste, quoi qu’il arrive, nous nous sommes enlevé le droit de lui adresser des reproches. En rompant notre accord avec elle à l’heure même où il aurait dû devenir efficace, en refusant d’envoyer quelques milliers d’hommes combattre à ses côtés, nous avons mérité qu’elle perdît toute confiance en nous. Dieu nous préserve de l’accuser de trahison, de reprendre maladroitement le refrain démodé sur la perfide Albion ! Il n’a que trop retenti chez nous depuis quelques mois. Pour excuser notre inexcusable faiblesse, on a soutenu que l’Angleterre nous avait toujours trompés. Ou est remonté jusqu’au Mexique, jusqu’à l’affaire des duchés danois. Il paraît qu’au Mexique, les Anglais ont manqué à tous leurs engagemens envers nous, parce qu’ils ont refusé de nous accompagner dans la folle équipée d’où nous sommes sortis humiliés et moralement vaincus. Rien n’est moins exact. Les Anglais étaient partis avec nous pour le Mexique, mais en déclarant hautement, en inscrivant en termes formels dans les conventions, qu’ils n’y allaient que pour assurer la reconnaissance des intérêts de leurs nationaux, que pour s’emparer, en guise de garanties, des ports et des lignes de douane. Faut-il s’étonner qu’ils nous aient quittés, lorsque brusquement, avec la plus outrecuidante légèreté, nous avons en quelque sorte tiré un empereur de nos bagages et annoncé que nous allions créer un empire dans un pays où, suivant la belle expression de Berryer, nous ne possédions d’autre terrain que celui qui était compris entre les roues de nos canons ? Les Espagnols étaient aussi venus au Mexique avec nous ; ils ne passent pas pour un peuple perfide, et pourtant ils ont fait comme les Anglais : en quoi du reste ils étaient moins sincères qu’eux, car ils s’étaient mis en campagne avec le vague espoir de donner également un empereur au Mexique, et c’est le choix du nôtre seul qui leur a déplu. Quant à la question des duchés danois, on ne saurait la traiter en quelques mots. Mais il suffit de se rappeler notre politique après le traité de Paris pour comprendre comment l’Angleterre en est venue peu à peu à se détacher de nous, à perdre toute confiance en notre alliance. J’ai parlé tout à l’heure de la manière dont, au moment même de la signature du traité, nous étions devenus les amis de la Russie. C’est avec elle et contre l’Angleterre que nous avons prétendu émanciper les petites nationalités de la péninsule des Balkans. On sait ce qui en est advenu. « Combien autre eût été le résultat, a dit avec raison M. Klaczko, si cette œuvre se fût accomplie de concert avec l’Autriche et l’Angleterre, si cette dernière puissance y était entrée avec ses capitaux, son esprit d’entreprise et sa volonté tenace ! Car, disons-le franchement, ce n’est qu’avec l’accord de l’Autriche, et surtout de l’Angleterre, que la France parviendra à créer en Orient des choses