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Muse de la cour de Madame,
Sus ! qu’un nouveau feu vous enflâme ;..
Son Ame grande et délicate
Ne peut souffrir la Rime plate, —


(il y paraît !) — mais il lui recommande aussi de ne pas « aller vers la nue ; » et sa toute première épître, celle du 25 mai 1665, commence justement par une apostrophe qui réduit cette Muse au personnage qu’elle doit faire :


Viens ça, Muzette ; as-tu du cœur ?


La muse de nos gazetiers n’est qu’une musette : sept quarts de siècle avant Mürger, le nom a déjà sa grâce. Heureux Robinet, heureux Boursault ! quand leur muse, en effet, le mérite ; quand elle « décrit la bagatelle » d’une « veine assez naturelle ; » on ne peut raisonnablement lui demander davantage. L’histoire romaine en madrigaux ne fera jamais que de méchante poésie. Un plus grand poète que Boursault n’a pas dédaigné de nous le prouver : j’ai nommé La Fontaine, qui se fit, une fois au moins, gazetier par complaisance ; son épître à Mme la princesse de Bavière n’a que peu ajouté à sa gloire. Quand il dit à la princesse :


Pendant que je suis sur la guerre
Que saint Marc souffre dans sa terre,
Deux de vos frères sur les flots
Vont secourir les Candiots,


il se rapproche singulièrement du style dont Boursault écrit à la reine :


Votre catholique papa,
Qui dernièrement échapa
Des mains de Madame la Parque, etc..


Quand il écrit


On s’est en Pologne choisi
Un roi dont le nom est en ski,


sa désinvolture ressemble fort à celle de Robinet, qui, pour rimer avec « Inspruch, » met simplement :


Je ne sais pas de rime à pruch.


Sans doute l’épître de La Fontaine s’achève par un trait de malice dont Robinet ne serait pas capable ; de même, dans cette lettre en prose mêlée de vers qu’il adresse à son ami Maucroix pour lui décrire une fête donnée à Vaux, et qui est proprement la Soirée des Fâcheux, La Fontaine se fait reconnaître à plus d’un tour que n’eût pas trouvé