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Parmi ces « événemens singuliers, » le gazetier n’aurait garde d’oublier ceux du théâtre : dans ce premier volume, qui va du 25 mai 1665 au 26 juin 1666, il note au passage, comme nouveautés, l’Agèsilas de Corneille, l’Alexandre de Racine, la Princesse d’Élide et le Misanthrope.

C’est, en effet, le 25 mai 1665, que paraissent à la fois la première lettre de Mayolas et la première de Robinet, adressées l’une et l’autre à la duchesse de Nemours, l’une et l’autre annonçant que l’auteur veut continuer Loret. Le pauvre homme était mort, après seize années de chronique, dans le courant de ce mois de mai ; la duchesse, depuis le 28 mars, était privée de sa gazette. La Gravette de Majolas, — le beau nom de capitan, sonore comme une parade et gonflé pour le public ! — était venu de Toulouse pour être l’ami et le successeur de Loret :


Étant son ami plus fidelle
Il me dit d’imiter son zèle…
Et, peut-être, direz-vous bien
Qu’en m’ayant vous ne perdez rien…


Le chagrin de l’ami ne prévaut pas contre la confiance du gazetier. Robinet avait pendant six années déjà travaillé pour la princesse Palatine. Bientôt Boursault, puis Subligny, se mêlèrent de faire mieux que l’un et l’autre. Mais de Boursault nous n’avons que six lettres et de Subligny cinquante et une. Au contraire, de Mayolas nous avons tout le courrier, qui va de mai 1665 à septembre 1666 et, un peu moins régulièrement, de décembre 1669 à décembre 1671. Quant à Robinet, il tient avec constance son emploi auprès de Madame jusqu’à la fin de juin 1670 ; puis, jusqu’à la fin de 1674, il adresse ses rimes à différens personnages, et d’abord, pieusement, « à l’ombre de Madame ; » enfin nous retrouvons des lettres de lui jusqu’après 1684. Dans l’intervalle, de janvier 1677 à 1683, un autre gazetier, Jacques Laurent, avait fait son office, de sorte que le recueil des continuateurs de Loret nous offre l’histoire anecdotique de la France, ou du moins de Versailles et de Paris, de la cour et du théâtre, pendant les années 1665 à 1674, 1677 et 1678. On comprendra l’importance de ce recueil si l’on réfléchit qu’entre Mme de Motteville et Mme de Sévigné, alors que les Mémoires de l’une ont pris fin et que la Correspondance de l’autre n’a pas encore son train régulier, — c’est-à-dire justement de l’année 1665 à peu près jusqu’à l’année 1671, — nous ne possédons qu’un petit nombre de ces documens familiers qui nous permettent de revivre en esprit la vie des hommes disparus, de ressentir leurs sentimens, d’assister avec eux à l’éclosion d’ouvrages qui nous paraissent à présent durer de toute éternité.

Or la Muse de Loret avait bien été réimprimée de nos jours, mais jamais les gazettes de ses continuateurs n’avaient même été recueillies.