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cantons de Saint-Omer et d’Audruick, on avait une valeur allant de 900 francs à 10,000. Le riche arrondissement industriel de Béthume donnait un prix allant entre 3,500 francs et 8,000 francs. Les prix étaient encore supérieurs dans le département du Nord, où le fermage avait un prix extrêmement élevé. Dans l’arrondissement de Lille, la terre se louait assez fréquemment de 100 à 150 francs l’hectare. Pour Avesnes, c’était 100 francs l’hectare de terre labourable, 150 francs pour le pâturage. Le taux est allé souvent jusqu’à 200 fr. pour les régions de Douai, Cambrai, Hazebrouck et Dunkerque. La moyenne la plus élevée nous est donnée par l’arrondissement de Valenciennes, où la location était de 180 francs à 200 francs, et montait à 220 francs, même à 250 francs pour les petites portions. Dans l’Artois, la mesure (un peu plus de 42 ares) était louée entre 40 et 60 francs, au-delà même, dans les cantons industriels, pour les terres à blé et autres, et jusqu’à 100 francs pour les prairies. En Picardie peut-être plus encore, on trouve les prix de location proportionnellement plus élevés que ceux de vente, parce que l’on met dans cette province plus d’ardeur encore à louer qu’à acheter la terre ; à la différence de la Normandie, où le paysan tient avant tout à être propriétaire et où la terre se vend plus cher relativement qu’elle ne se loue.

À d’autres époques, le prix exceptionnellement élevé des fermages aurait vivement poussé les capitaux vers l’achat des grandes et des moyennes propriétés rurales ; il n’en a pas été de la sorte, et les raisons en sont faciles à concevoir. D’une part, les entreprises industrielles, si développées dans le Nord, offraient en général une rémunération plus forte ; de l’autre, l’axiome qu’il n’y a de placement assuré que la terre a beaucoup perdu de sa force par l’exactitude dans les paiement des dividendes. On aime aujourd’hui les revenus accrus, parce que les besoins sont plus exigeans, et les fortunes disponibles, parce qu’on veut pouvoir spéculer. Tout compte fait, le calcul est-il bon ? C’est au moins douteux, surtout si l’on fait entrer les élémens moraux dans la question. En fait, il y a eu plus de ventes que d’achats de ces terres de dimension étendue.

En définitive, les progrès agricoles réalisés par notre régime de propriété et de culture contre lequel on a élevé tant d’objections sont loin de le condamner. Pour mettre un peu d’impartialité dans la manière d’apprécier la situation agricole, qu’on dépeint souvent sous les couleurs les plus sombres, il faudrait se reporter au point de départ, comparer le présent au passé, voir combien, depuis moins d’un demi-siècle, la production a pris de développement. C’est le quart, c’est le tiers en sus, c’est souvent davantage, eu égard au nombre des habitans. Quel chemin parcouru indique le seul chiffre de 2 millions d’hectolitres de froment produit par la