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à payer au fermier pour ses avances soit accepté, et moins encore pratiqué, comme il devrait l’être. Il n’y a pourtant pas d’incompatibilité essentielle entre l’intérêt du propriétaire et celui du fermier qui, tout au contraire, est le même, quand on envisage une longue durée. Les entrepreneurs de culture n’ont avec les longs baux d’autre avantage que de féconder la terre tout en la ménageant, au lieu de la soumettre à l’action des cultures épuisantes. En bon nombre de cas, les propriétaires peuvent se mettre à l’abri des pertes relatives qu’ils pourraient éprouver en laissant le domaine aux mains d’un fermier qui profiterait seul des plus-values. Le bail à loyer progressif fournit une combinaison aussi simple qu’équitable, qui a égard aux droits réciproques des deux parties contractantes. Il est quelquefois usité ; il serait possible d’en généraliser l’emploi davantage, La propriété est l’élément de stabilité par excellence. On éprouve quelque surprise et une certaine peine lorsqu’on la voit contribuer à créer la mobilité pour se réserver une augmentation à chaque renouvellement. Durant cette longue période, les signes ne manquent pas dans le Nord et le Nord-Ouest qui attestent que le propriétaire a largement usé de la situation prépondérante que lui assurait la loi de l’offre et de la demande. Il a très fréquemment exigé de véritables pots-de-vin en sus de la location, le plus souvent sous la forme d’accroissemens de fermage payables dans les premières années. Que dire de ces stipulations par lesquelles le preneur s’engageait expressément à payer tous les impôts existans ou qui pourraient survenir, alors même que le législateur aurait spécifié qu’ils doivent être à la charge du propriétaire ? Certains fermiers ont eu à souffrir de ces exigences. Mais elles n’ont pas empêché bon nombre d’entr’eux, dans ces heureux pays et durant la période de prospérité, de réaliser jusqu’à 7 ou 8 pour 100 de bénéfices.

Il importe de rappeler ici ces prix de vente ou de location qu’on ne reverra guère, par suite d’un ensemble de causes. Ces prix ont baissé depuis les mauvaises années dans des proportions de un cinquième, d’un quart, parfois d’un tiers sur les domaines étendus. Les chiffres jusqu’au moment de la crise ne méritent pas moins d’être recueillis ; ils ont duré assez longtemps pour avoir une valeur de renseignement historique. On trouvait, par exemple, pour l’arrondissement d’Arras, plus agricole qu’industriel, comme prix de vente des terres, un minimum de 2,200 francs et un maximum de 6,500 francs, ou quelquefois plus à l’hectare. Dans celui de Saint-Pol, entièrement agricole, et n’ayant ni rivière, ni canal, ni système complet de voies de communication, c’était entre 2,300 et 4,000 francs. Dans certaines parties de l’arrondissement de Saint-Omer moins favorisées (cantons de Lumbres, de Fouquembergue, etc.), c’était entre 300 et 4,000 francs, tandis que, pour les