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successeur de M. Jules Ferry à l’instruction publique, tandis qu’un avocat, député de Paris, M. Hérisson, est appelé aux travaux publics.

Voilà qui est fait à la satisfaction de M. le président de la république ! le ministère est au complet. Quel est maintenant son avenir ? Que représente-t-il dans le mouvement des choses du jour, dans la situation parlementaire telle que les partis l’ont faite depuis quelques mois ? Est-ce un cabinet d’affaires ? Est-ce un ministère aspirant à son tour à élever un drapeau, à jouer un rôle politique ? Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il a débuté par une déclaration fort bénigne, qu’il a eu le soin d’évitée tout ce qui aurait pu soulever des discussions périlleuses, et qu’il a eu le suprême avantage de permettre aux chambres de se disperser, de s’en aller à la campagne, selon le mot de M. Clemenceau. Il s’est présenté au Palais-Bourbon et au Luxembourg, on ne lui a demandé compte ni des raisons de son avènement, ni de la manière dont il est composé, ni des idées ou des projets qu’il prétend réaliser. Il reste provisoirement livré à sa propre inspiration, à ses propres forces ou à ses faiblesses, et la question est de savoir comment, tel qu’il est constitué, il pourra tenir tête à des circonstances qui ne laissent pas d’être critiques, — qui seraient difficiles même pour un gouvernement plus fort que lui.

Ce n’est point sans doute que ce ministère nouveau né de la dernière crise soit en définitive plus médiocre ou plus faible que les ministères auxquels il succède. Le chef du cabinet, M. Duclerc, pour sa part, n’en est plus à ses débuts. Il a été ministre pendant quelques semaines en 1848. Durant les longues années de l’empire, il s’est trouvé mêlé à bien des entreprises de finance ou d’industrie en Espagne comme en France, et récemment encore il était le principal promoteur d’un canal maritime destiné à relier l’Océan à la Méditerranée. Rentré dans fa vie publique par l’élection après la guerre, il a toujours compté à l’assemblée de Versailles, et il est un des sénateurs de la première heure. Sans avoir un rôle ostensiblement actif dans la politique, il a eu souvent de l’influence, et il a eu plus d’une fois l’occasion de donner des conseils Utiles, même sous la présidence de M. le maréchal de Mac-Mahon. C’est de toute façon un homme d’expérience dans les affaires, de relations Courtoises, d’un esprit éclairé. Il a de plus l’intention avouée, l’habitude, le goût d’une libérale modération, et lorsqu’il y a quelques jours il a accepté la mission de former un cabinet, il s’est proposé certainement de porter au pouvoir ces idées de conciliation dont il a parlé dans la laconique déclaration qu’il a lue aux chambres. La conciliation, soit ! Il faudrait seulement prendre garde que cette conciliation ne fût pas tout simplement une confusion perpétuée. Le fait est qu’on ne voit pas clairement ce que signifient ces paroles, comment elles peuvent se traduire dans la réalité, et la composition même du nouveau cabinet n’aide sûrement pas à éclaircir ce mystère ; elle ne sert au contraire qu’à