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eût au monde, parle avec poids, nombre et mesure, Galiani a rectifié l’alignement de sa perruque, il ne grimpe pas sur les fauteuils ; Diderot lui-même enfin sent avec étonnement s’éveiller en lui je ne sais quel goût nouveau de « délicatesse et de pureté. » Là, en effet, est bien l’originalité du salon de Mme Necker, parce que là précisément est l’originalité de Mme Necker elle-même : dans le contraste piquant, selon le mot de Galiani, de sa pudeur qui combat avec sa politesse, et de la correction presque puritaine de ses mœurs et de son maintien même, avec la profonde, mais élégante corruption qui l’entoure. Et là aussi, dans les heureux effets qu’il a su tirer, en vrai peintre de portraits, de la difficulté même de son sujet, est l’originalité du livre de M. d’Haussonville.

Il nous reste maintenant à signaler dans ces deux volumes les nombreux documens inédits qu’avec une libéralité dont les détenteurs de pièces historiques ne sont pas assez coutumiers, M. d’Haussonville a bien voulu distraire des précieuses archives de Coppet. Le choix surtout en est heureux et la mise en œuvre tout à fait habile. Lettres de Gibbon, lettres de Grimm, lettres de Galiani, lettres de Diderot, lettres de Buffon, — il n’en est pas une de toutes celles que nous donne M. d’Haussonville qui ne soit profondément caractéristique du personnage, et plusieurs ont une importance considérable pour l’histoire littéraire du siècle. Telles sont notamment celles de Diderot et celles de Buffon. On remarquera dans celles de Thomas un accent de mélancolie dont la nouveauté, pour le temps, ne pouvait échapper à M. d’Haussonville : nous ne le chicanerons pas sur la discrète réhabilitation qu’il a failli entreprendre du chantre de la Pétréide. L’histoire politique enfin ne négligera pas de faire son profit de ce que ces deux volumes enferment de renseignemens précieux. Si M. d’Haussonville, en effet, s’est délibérément abstenu d’étudier les deux ministères de Necker, il en a pourtant assez dit, comme sans y toucher, pour obliger plus d’un historien à corriger plus d’une de ces assertions dont la grande raison de se perpétuer dans l’histoire est que quelqu’un l’avait dit le premier.

Nous avons dû laisser de côté, dans cette revue rapide, plus d’un livre qui mériterait assurément mieux que la simple mention que nous ne voulons pourtant pas omettre d’en faire avant de terminer. Nous ne reviendrons pas sur ces recueils de pièces qui marchent lentement vers leur terme, comme les Archives de la Bastille, de M. François Ravaisson, ou le Chansonnier historique du XVIIIe siècle, de M. Emile Raunié : nous en avons peut-être parlé suffisamment, et il n’y a plus qu’à y emprunter, selon les cas, ce qu’ils contiennent d’utile aux sujets que l’on traite. Nous ne ferons aussi que nommer deux collections ; celle des Lettres du XVIIIe siècle, que M. Eugène Asse réimprime avec