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sépulture. Une succession de portes taillées verticalement donne accès à des galeries qui pénètrent dans la montagne. Commençons par le plus beau de ces grands sépulcres souterrains, celui de Séti Ier. Nous descendons un escalier très dégradé, un couloir sombre, en pente, où on nous distribue des bougies ; l’obscurité augmente ; encore un, deux escaliers, La chaleur est intense, l’atmosphère suffocante. Une succession de salies s’ouvrent mystérieuses devant nos flambeaux, l’ombre se refermant sur nous comme un lourd rideau. Nous distinguons des peintures de figures étranges, de longues processions des quatre races du monde assistant aux funérailles du monarque : les rouges, les noirs, les blancs et les blonds.

Une curieuse chambre où les dessins esquissés n’ont jamais été finis nous arrête. Les corrections du maître, les lignes rouges rectifiant les lignes noires restent fraîches comme au jour où la leçon fut donnée. Encore des marches à descendre, des puits béans dans la nuit à éviter, un corridor étroit, mais tout peint et sculpté, et nous sommes au centre même de la demeure funèbre, là où le corps, déposé dans un sarcophage de granit, resta jusqu’à ce que, enlevé par les prêtres, il fut caché dans le puits de Deïr-el-Bahari. Belzoni, qui découvrit et explora ce tombeau, trouva, en effet, le sarcophage vide, et jusqu’à l’été dernier le lieu de la cachette du corps n’avait pas été retrouvé.

D’autres salles à moitié bouchées, d’autres souterrains autour de nous, les parois décorées de représentations effrayantes. Voici les scènes tragiques où l’épopée de l’âme du roi est dépeinte, ce qu’elle traverse avant d’entrer dans la vie éternelle, ses terreurs, ses dangers, les démons, les serpens, les génies aux épées flamboyantes qui la menacent. Plus loin, elle arrive à la barque divine, à la fin du cruel purgatoire. La voici dans les champs élyséens, cueillant des fruits célestes, faisant des libations. Elle arrive enfin purifiée devant les dieux, et Osiris l’introduit dans la félicité éternelle. Les couleurs, là où le vandalisme des Arabes et des touristes n’a pas commis les pires outrages, sont d’une vivacité extraordinaire. Mais quelle pitié ! Pas un pilier, pas un bas-relief, pas une peinture, qui ne soient mutilés, en partie enlevés. Ici une tête, là une main, une figure tout entière. Sir William G. et E., qui ont vu cette tombe il y a vingt ans en parfait état, en sortent outrés, navrés, les larmes aux yeux. Les voyageurs sont toutefois plus coupables que les Arabes. Ceux ci travaillent pour ceux-là et tous conspirent pour détruire des chefs-d’œuvre irréparables. J’avais tellement ouï parler par mes compagnons de la conservation de ces peintures uniques, que j’en éprouve un amer désappointement. Dans quelques années, si cette dilapidation effroyable n’est pas arrêtée, il ne restera plus ici que des souterrains dégradés. D’autres tombes voisines