Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/875

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

multiplient. Ils sont annoncés longtemps à l’avance par des affiches au vu et au su de l’autorité, laquelle reste à tort indifférente, car ces combats mettent en mouvement les mauvais instincts de trop de manières par le genre d’émotions qu’ils excitent, par les paris qu’ils font naître, les libations qui les accompagnent, et les rixes qu’ils causent plus d’une fois. Nous voudrions aussi, pour les habitans de ces campagnes du Nord, des amusemens moins sots et moins vils que ceux où de malheureux volatiles deviennent les victimes d’une multitude acharnée à ce triste plaisir de la souffrance donnée en spectacle et offerte à la risée publique. Il y a en outre des concours de pinsons aveugles : c’est un plaisir que l’on goûte beaucoup vers Hazebrouck et dans d’autres localités flamandes ; ou nous assure même que quelques communes ont subventionné cette sorte d’éducation ; ou apprend à ces jeunes élèves à chanter en les aveuglant : c’est un genre d’instruction obligatoire pour lequel nous avouons avoir peu de goût, et, en tout cas, il est excessif qu’il ait son budget municipal.

Les fêtes se ressentent encore un peu dans le Word des anciennes kermesses ; mais si certains accessoires reproduisent une partie des mêmes spectacles grotesques, il n’y a plus d’orgies. On voit renaître dans nombre de localités du Nord et du Nord-Ouest ces exercices de tir et de gymnastique qui ont leur utilité. Ce chapitre, des amusemens dans les campagnes a son côté moral. La révolution l’avait compris, mais n’avait pas su résoudre une question qu’il est difficile, en effet, de régler par des arrangemens artificiels.

Il y aurait à déterminer enfin l’influence exercée sur l’état intellectuel et moral par les occupations agricoles. Les mœurs sont-elles meilleures, les habitudes plus tempérantes, les crimes plus rares chez les laboureurs ou chez les herbagers ? Nous n’avons pas obtenu toujours des réponses très nettes et très concordantes sur ce point. La vie plus solitaire des hommes et des femmes employés dans les herbages paraît favoriser certains délits, mais le personnel a dans la catégorie plus élevée plus d’instruction et de bonne tenue. Le cultivateur et l’herbager forment d’ailleurs des classes moins tranchées dans ces contrées qu’en Normandie. Quand on les observe à part, on trouve que l’herbager a plus de loisir, perd plus de temps, mais spécule avec plus de largeur. Le petit cultivateur est craintif et parcimonieux, mais il ne sait pas toujours prévoir, calculer, dépenser à propos, même lorsqu’il le peut. Le grand cultivateur de la plaine soumet tout aux lois rigoureuses du calcul ; il agit en industriel et en commerçant Sous le rapport moral on s’accorde en Picardie à regarder les herbagers comme une population plus sobre et plus pure de mœurs. Le Vimeux et le Marquenterre, pays d’herbage