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générale, les crimes étaient plus rares au temps passé chez les paysans. Les natures grossières et sauvages, que rien ne peut refréner, n’ont jamais manqué. Chez beaucoup la religion n’était qu’une superstition grossière. Il est d’ailleurs à remarquer que la police se faisait à peine dans les campagnes ; la rumeur publique, moins prompte à s’éveiller, faute de communications, était moins sûre de se faire entendre. Les habitudes générales de probité ne paraissent pas avoir fléchi non plus dans les relations de quelque importance, et les gros vols sont peut-être plus rares, de même qu’ils sont plus fréquemment découverts. Rien de moins inusité dans le passé que les vols de légumes, de volailles, même de moutons, d’ânes, de chevaux, auxquels se joignent des attentats plus graves contre la propriété, comme empiétemens sur les limites du bien d’autrui. Les preuves de ces méfaits abondent dans le Journal du sire de Gouberville, dont nous avons eu occasion de parler ici même. Les vols à main armée étaient fréquens en Picardie. On nous signale tels bois comme entachés d’une mauvaise renommée. On ne pouvait y passer, au dernier siècle, sans courir les plus grands risques. La contrebande du sel de gabelle et du tabac était très répandue dans plusieurs pays, comme celui d’Abbeville ; elle y créait une population extrêmement dangereuse. Les riverains des côtes maritimes exerçaient le plus odieux des brigandages. Ainsi qu’on l’a rapporté des habitans des côtes de Bretagne, pour montrer à tort en eux un trait de férocité particulière, ils allaient la nuit sur les bords de la mer, avec des fanaux qu’ils haussaient ou baissaient alternativement, et faisaient échouer les navires dont ils ramassaient les épaves. De ces désordres, il ne reste guère, dans une mesure fort amoindrie, que la contrebande du tabac. Elle a son quartier-général dans un petit nombre de villages en Picardie ; la même contrebande existe sur une plus grande échelle dans le département du Nord, où elle alimente, surtout dans l’arrondissement d’Avesnes, voisin de la Belgique, une population réfractaire à toutes les bonnes habitudes comme aux lois. Faisons-en la remarque ici : cette catégorie nomade et vicieuse n’est pas seulement une menace, mais une souillure pour ces contrées qu’elle calomnie en grossissant énormément la moyenne des crimes et des délits constatés par les tribunaux. Quant aux délits de moindre gravité, force est de reconnaître qu’ils tendent un peu à augmenter. Ajoutons qu’ils ne sont pas toujours commis par les plus nécessiteux. Ils ont plus d’une fois pour cause le désir, fort légitime en soi, mais trop impatient, de louer ou d’acheter une mesure de terre (un peu plus de 42 ares). A peine est-on en possession qu’on y bâtit une maisonnette. Mais il faut payer à l’échéance, ce qui n’est pas toujours facile. Tantôt on n’a