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centre de chaque arrondissement, elles ont un mérite auquel on se reprocherait de ne pas rendre hommage dans un pays comme le nôtre, où l'association est loin d'être aussi développée qu'en Angleterre ; elles groupent depuis une cinquantaine d'années les représentans de la grande propriété et l'élite de la moyenne. Les comices agricoles achèvent de donner la même impulsion. Dans aucune région de la France, il faut le répéter, les esprits ne sont aussi portés vers l'agriculture, avec ce caractère remarquable que la vie industrielle et le développement agricole se déploient ici côte à côte et croient avec raison leurs destinées solidaires, au lieu de les considérer comme opposées les unes aux autres, ainsi qu'on se le figure assez fréquemment ailleurs.

Il est nécessaire que l'instruction pénètre dans la ferme sous d'autres formes spéciales. Nous touchons à un point dont on commence à se préoccuper sérieusement : l'insuffisance de la comptabilité agricole. La plupart des cultivateurs, dans ces provinces du Nord et du Nord-Ouest, où il semble qu'on puise dans l'air un sens judicieux et de sages habitudes, ont un certain ordre, mais qui n'est pas assez complet : il manque d'un élément essentiel. A vrai dire, une bonne comptabilité agricole est presque partout absente, si l'on excepte quelques grandes fermes. Qu'est-ce qu'une industrie et qu'est-ce qu'un commerce sans comptabilité ? et l'agriculture est à la fois l'un et l'autre. Ceci nous mène à signaler une autre lacune. On forme peu de fermières capables, de ces maîtresses femmes, comme il en existe encore pourtant quelques-unes, célèbres dans tout un département. Les filles des grands fermiers croient s'élever en devenant des demoiselles. Elles prennent en dégoût tout ce qui, dans la ferme, affecte les sens d'une manière peu agréable, surtout les occupations sérieuses et réputées monotones, bien à tort, de l'agriculture. Quelles bonnes comptables eussent pu faire ces demoiselles manquées ! Trop souvent aussi les filles de moyens fermiers, qui ont moins de raisons pour aimer le luxe et le confortable que donne la richesse ou la grande aisance, prennent le chemin de la ville. A défaut du couvent ou du pensionnat, elles entreront en boutique à Amiens, Arras, Lille, etc., elles coudront des gants, feront des fleurs, deviendront citadines par leur mariage. Il y a lieu de compléter le chapitre relatif à la ferme dans nos réformes sur l'instruction du sexe féminin.

Je n'ajouterai qu'un mot sur l'instruction dans les campagnes. Assurément, elle y a fait de notables progrès et elle en fera de plus grands encore. On mettra de plus en plus les bibliothèques à leur portée, les cours d'adultes, les conférences. Toutes ces choses et d'autres de même nature peuvent avoir des effets utiles si