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pas antérieures au milieu du Ve siècle. C’est un résultat fort important pour l’histoire de l’art et de la civilisation de l’Étrurie.

Il a fait voir aussi, par les progrès qu’on remarque entre ces fresques, que l’art grec ne s’est pas introduit chez les Étrusques tout d’un coup, qu’il y a pénétré peu à peu, s’insinuant tous les jours davantage et s’imposant de plus en plus, jusqu’au moment où il a triomphé sans contestation et sans partage. L’histoire de ces phases diverses serait intéressante à étudier. Elle nous montrerait peut-être qu’après avoir trop exalté les Étrusques, nous leur faisons aujourd’hui une réputation plus mauvaise qu’ils ne le méritent. Leur grand ennemi, M. Mommsen, les compare aux Chinois, qui sont incapables de rien trouver par eux-mêmes ; il ne veut leur accorder « que le génie secondaire de l’imitation ; » et même comme imitateurs il les met au-dessous de toutes les nations italiques qui se sont inspirées de l’art grec. Nous allons voir pourtant qu’il y a eu une époque où ils n’étaient pas tout à fait les esclaves de leurs modèles et où ils savaient mettre quelque originalité dans leur imitation. Nous possédons à Paris des peintures qui montrent ce que les Étrusques savaient faire quand ils osaient se livrer à leur génie propre. Une des salles les plus intéressantes de l’ancien musée Napoléon III, au Louvre, est celle où l’on a placé quelques-unes des plus belles antiquités qui nous viennent de l’antique Cœre. Le public s’y arrête volontiers pour regarder un grand sarcophage qui occupe le milieu de la salle et sur lequel deux personnages, un mari et sa femme, sont à moitiés couchés. Leur costume étrange, leur figure animée, leurs petits yeux vifs attirent l’attention de tous ceux qui passent. C’est déjà un spécimen très curieux de l’art étrusque ; mais on en peut voir dans les vitrines de plus curieux encore. On y a déposé des plaqués en terre cuite qui formaient le revêtement de quelques vieilles tombes. Elles sont couvertes de peintures, exécutées d’après les principes de l’école archaïque et sur le modèle des anciens maîtres de la Grèce. Les gestes des personnages sont raides, les formes épaisses, les extrémités des mains incroyablement allongées, les draperies régulières et lourdes. Ils ressemblent, quand ils sont assis, à des mannequins qu’on a ployés pour les mettre sur des chaises ; quand ils se tiennent debout, leur attitude est contraire à toutes les lois de la statique, et l’on peut prévoir qu’ils tomberont, s’ils se mettent à marcher. Tous ces défauts ne les empêchent pas d’être parfaitement vivans, et tel est l’attrait de la vie que nous les regardons avec plaisir, malgré les imperfections de cette peinture primitive. Une de ces scènes surtout m’a frappé : elle représente deux hommes âgés qui sont assis en face l’un de l’autre sur ces sièges que les Étrusques ont transmis aux Romains et qui sont devenus