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brûlés, leurs cendres sont déposées dans des urnes de forme diverse. Il arrive que les mêmes sépultures renferment à la fois des urnes et des sarcophages, ce qui prouve que les deux modes d’inhumation étaient pratiqués à la même époque. Dans quelques tombes anciennes, le mort, revêtu de ses plus beaux habits ou couvert de ses armes, était étendu sur un lit de parade. Ceux qui eurent la chance d’y pénétrer les premiers, quand elles étaient encore intactes, nous ont décrit l’émotion dont ils furent saisis en voyant ces guerriers dans l’attitude même où on les avait laissés, quand le caveau fut muré, il y a plus de vingt siècles. En général, ce spectacle s’évanouissait en quelques minutes ; l’air qui pénétrait dans les chambres funèbres, fermées depuis si longtemps, décomposait vite les cadavres et les réduisait en poussière sous les yeux des visiteurs. « C’était une évocation du passé qui n’avait pas même la durée d’un songe. » Outre les armes, les lits, les sarcophages, les tombeaux contenaient encore des objets de toilette, des miroirs, des armes, surtout des vases. Presque tout ce mobilier a disparu, il était trop tentant pour les voleurs. Dans l’antiquité même, malgré le respect qu’on professait pour les morts, on ne résistait guère a la tentation de piller les vieilles tombes. Le roi des Goths, Théodoric, jugeant plus convenable d’autoriser ce qu’il ne pouvait empêcher, permit au premier venu de s’approprier l’or qu’on y pouvait trouver quand elles n’avaient plus de possesseur légitime ; aurum sepulcris juste detrahetur, ubi dominus non habetur. Les modernes ont continué à profiter de la permission, si bien qu’il n’y reste aujourd’hui que ce qu’on n’a pas pu emporter, c’est-à-dire les peintures murales.

Je ne puis songer à conduire successivement le lecteur dans toutes les tombes de Corneto et à les décrire l’une après l’autre. Ce serait une énumération fastidieuse que remplace avantageusement la lecture d’un bon guide[1]. J’aime mieux supposer la visite faite : où vient de parcourir les tombes les plus importantes ; à la lueur blafarde des cerini, le custode a montré les peintures qui les décorent ; on a curieusement regardé toutes ces scènes, les unes à moitié détruites par l’humidité, les autres qui conservent, après tant de siècles, un éclat et une fraîcheur extraordinaires. La course achevée, cherchons à résumer les impressions qu’elle laisse, les réflexions qu’elle suggère. Demandons-nous ce qu’elle peut nous apprendre du peuple qui a bâti ces tombes, et s’il est possible d’en tirer quelques lumières sur sa façon de vivre, sur son caractère, sur ses croyances.

  1. Le syndic de Corneto dont je viens de parler, M. L. Daeti, a publié deux brochures intitulées : Tombe etrusche dipinte et Museo etrusco Tarquiniese, qui seront d’un grand usage pour les visiteurs de ces ruines.