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de son domicile dans des conditions suspectes entre le coucher et le lever du soleil. Des perquisitions peuvent être faites, même la nuit, dans le domicile des particuliers en cas de conspiration présumée. Cette disposition est si contraire à l’esprit général de la législation anglaise, profondément respectueuse du domicile privé, que le ministère, après avoir présenté son bill, proposa lui-même de l’amender dans un sens littéral et d’en faire disparaître la disposition dont il s’agit. La chambre des communes résista ; elle maintint la disposition primitive. Le gouvernement a donc des pouvoirs dont il ne voulait pas : libre à lui de n’en pas user s’il les trouve excessifs. Enfin faculté lui est donnée d’expulser, non-seulement de l’Irlande, mais des trois royaumes, les étrangers suspects. Cette dernière disposition est dirigée contre les fenians venus de l’Amérique à l’égard desquels on était souvent fort embarrassé, parce qu’ils se réfugiaient derrière leur qualité de citoyens américains. Cette loi, qualifiée de bill pour la prévention des crimes, est devenue loi de l’état le 13 juillet dernier et a déjà été appliquée, notamment contre un journal irlandais, le Triam Herald. Elle avait été votée en troisième lecture par la chambre des communes, le 7 juillet. La chambre des lords l’avait ensuite adoptée après deux jours de discussion seulement et sans le moindre changement. Après quoi on a passé à l’exécution de la seconde partie du plan de Gladstone, celle qui a pour but, non plus de réprimer, mais d’apaiser. De nouvelles concessions sont faites aux fermiers par la loi sur les arrérages, actuellement en cours de discussion. Voici l’économie de celle loi : tout fermier ayant un bail de 30 livres (750 francs) par an ou au-dessous peut se trouver libéré de ses fermages arriérés pourvu qu’il paie l’année courante (de novembre 1881 à octobre 1882) et qu’il ait payé, en outre, l’année précédente (1880-1881). Dans ce cas, l’état paie pour son compte une année de fermage, et le propriétaire abandonne le reste. La somme payée par l’état pour compte du fermier ne constitue pas un prêt (loan), mais un pur don (gift). D’après les calculs de M. Gladstone, les charges assumées par l’état en vertu de celle disposition s’élèveraient à 2 millions sterling (50 millions de francs), dont 1 million 1/2 serait fourni par l’excédent de pareille somme résultant de la liquidation des biens de l’église d’Irlande et le reste par le trésor public. La loi sur les arrérages, après avoir été votée par la chambre des communes, vient d’être complètement bouleversée par la chambre des lords. Le conflit est encore pendant entre les deux chambres et le sort de la loi reste incertain. Pour exécuter son nouveau plan, M. Gladstone a choisi comme ministre d’Irlande un homme étranger jusqu’à présent aux affaires de ce pays, mais plein de bonnes intentions et très compétent dans