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ministère, loin de décourager du premier coup ces prétentions comme il l’aurait dû, se plaisait au contraire à leur faire bon visage ; il laissait tout espérer. Il ne voyait, quant à lui, aucun inconvénient à l’institution de cette mairie qu’on lui demandait, et s’il faisait quelque réserve, c’était tout au plus au sujet des « attributions qui seraient dévolues à cette magistrature. » Qu’a-t-il donc gagné avec ces concessions imprévoyantes ? Il n’a réussi tout simplement qu’à exciter les ambitions d’une assemblée locale pleine de velléités usurpatrices, à préparer d’inextricables difficultés, à envenimer une situation qui n’est déjà que trop périlleuse.

On devait bien penser que les conseillers municipaux de Paris, avec leur humeur batailleuse et révolutionnaire, se souviendraient des promesses qu’ils avaient reçues, qu’ils ne tarderaient pas à en réclamer impérieusement la réalisation, dussent-ils paraître faire la loi au gouvernement et au parlement. Un instant, le conflit a failli éclater à l’occasion de la fête du 14 juillet. Le président du conseil municipal avait tout bonnement imaginé de profiter de l’inauguration de l’Hôtel de ville pour réclamer solennellement la grande institution, la mairie centrale, et M. le président de la république avait déclaré, de son côté, que si on devait parler de la mairie dans les discours qui lui seraient adressés, il n’assisterait pas au banquet de l’Hôtel de ville. La grande cérémonie risquait ainsi de se passer en famille, entre conseillers municipaux, et de manquer un peu de majesté. Heureusement on a transigé la veille de la fête ! M. le président de la république a pu aller à l’Hôtel de ville sans être exposé à entendre des paroles qui auraient ressemblé à une sommation révolutionnaire ; mais la crise n’était que différée. La question était trop vivement engagée pour ne pas renaître à la première occasion, et elle n’a pas tardé en effet à se reproduire en plein palais Bourbon sous la forme d’une interpellation qu’un honorable inconnu de la Cochinchine a cru devoir adresser au gouvernement pour lui demander s’il ne croyait pas le moment venu de donner un maire à la ville de Paris. C’est là justement que l’affaire s’est embrouillée et est devenue tout à fait singulière pour le gouvernement comme pour la chambre ; elle s’est compliquée aussitôt de toute sorte de péripéties.

Que s’est-il passé, en effet ? Il paraît bien que M. de Freycinet, en se montrant il y a quelques mois si prodigue de promesses envers le conseil municipal, n’avait pas consulté les sentimens intimes du parlement, puisque le jour où la question s’est produite, elle a provoqua une sorte d’explosion, une confusion complète. M. le ministre de l’intérieur, dans sa politique, a fait comme son chef dans sa diplomatie. Il n’a pas dit oui, il n’a pas dit non ; il n’a pas promis la mairie centrale, il ne l’a pas absolument refusée : il a louvoyé. Il a cru se tirer d’affaire en demandant, après des explications évasives, l’ordre du jour pur et