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Ces derniers avaient toutefois, jusqu’à ces dernières années, un privilège considérable. Ils préparaient seuls aux études d’enseignement supérieur et aux carrières libérales. Ce privilège leur a été ardemment disputé par les écoles rivales, et elles ont remporté une série de victoires qui laissent préjuger dans un prochain avenir une entière égalité de droits. Cette égalité est nécessaire dans l’intérêt des études littéraires comme dans celui des études scientifiques. Il faut, pour le succès des deux ordres d’études, que le choix entre eux n’impose pas aux familles une décision prématurée sur la profession future de leurs enfans. Sans doute, il est certaines professions auxquelles conviendra exclusivement l’un des deux enseignemens. Un professeur d’humanités se formera difficilement au collège scientifique et un professeur de mathématiques au collège littéraire. Force sera bien, dans ces cas exceptionnels, de faire tardivement de nouvelles études si des vocations spéciales s’éveillent en opposition avec le choix qui aura été fait de l’un ou de l’autre enseignement. Le changement pourrait d’ailleurs être facilité par l’institution de cours facultatifs de lettres dans les collèges scientifiques et de cours facultatifs de sciences dans les collèges littéraires. Il n’y a toutefois que des natures d’élite douées d’une capacité exceptionnelle pour le travail, et ce sont celles qui conviennent le mieux pour le professorat, qui puissent embrasser à la fois ou même successivement, sans en être épuisées, les matières des deux systèmes d’études. Il convient donc que les autres puissent s’en tenir à un seul système et que leurs vocations, en thèse générale, n’en souffrent aucune entrave. Or, à part un très petit nombre de fonctions spéciales, il n’est pas une carrière libérale qui ne puisse sans inconvénient se recruter indifféremment parmi les élèves des deux catégories de collèges, telles qu’elles pourraient se constituer sur le double modèle des gymnases et des écoles réelles de l’Allemagne. Un avocat et un magistrat ne seront pas au-dessous de leurs fonctions parce qu’une étude plus approfondie des sciences aura remplacé le grec dans leurs années d’enseignement secondaire. La science du médecin ne sera pas de moins bon aloi, soit qu’il ait été préparé à ses études professionnelles par une culture plus particulièrement scientifique ou plus particulièrement littéraire. Les Allemands ont fait sagement en renonçant à entasser dans les mêmes établissemens toutes les matières de l’enseignement secondaire et en répartissant ces matières entre deux systèmes d’études. Ils ne font pas moins sagement en attribuant à ces deux systèmes des droits égaux pour le recrutement des professions. La meilleure réforme de notre enseignement classique consisterait à les imiter dans ces deux actes de sagesse.

Si nous nous décidions à emprunter à l’Allemagne, sous un nom