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un jardinier, etc. Singuliers juges ! Mais ce qu’il y a de particulièrement instructif, c’est que les nouveaux élus, à peine élus, encoururent, tout comme ceux de 1790, la disgrâce de leurs électeurs. À Paris, dès le 31 mars 1793, la section de l’Observatoire protestait contre leur installation prochaine et, quelques jours après cette installation, la section des sans-culottes suppliait la convention d’ordonner un scrutin épuratoire (8 avril). Celle-ci, dès cette époque, à l’occasion, pourvoit aux vides[1]. Le 12 avril 1794, plusieurs juges sont nommés par le comité de salut public. Un décret du 3 janvier 1795 renouvelle les tribunaux de Paris et chasse la plupart des magistrats nommés par le peuple. Enfin la convention destitue non plus les élus, mais les électeurs eux-mêmes et couronne son œuvre par un décret du 4 mars 1795, qui autorise le comité de législation à nommer directement les membres des tribunaux, comme les officiers municipaux et les administrateurs. Le second essai, de système électif avait échoué comme le premier et, s’il se peut, plus pitoyablement.

Il ne faut pas oublier, en effet, que les tribunaux ordinaires, en dépit de leur origine démocratique, avaient été partiellement supplantés, aussitôt après leur entrée en fonctions, par des tribunaux exceptionnels. Il est vrai que quatre-vingt-sept tribunaux criminels de département, revêtus des attributions nouvelles, furent chargés de rendre, sans le concours d’un jury, cette justice spéciale et sommaire connue sous le nom de justice révolutionnaire. Mais on sait que ces juridictions elles-mêmes, de quelques pouvoirs qu’on les eût armées, ne suffirent pas à la tâche. Il fallut créer à côté d’elles trois sortes de tribunaux : les tribunaux révolutionnaires proprement dits, jugeant, avec l’assistance d’un jury, tous les crimes de contre-révolution : révoltes, émigrations, conspirations, faux assignats, écrits, propos contre la république ; les commissions révolutionnaires, investies de la même compétence, mais qui se passaient du jury ; les commissions militaires, juridictions ambulantes attachées aux armées et généralement composées d’officiers devant lesquels on avait traduit d’abord les révoltés, et les émigrés pris les armes à la main, mais qui finirent par juger tous les crimes de contre-révolution. Dans quelques départemens, comme la Manche, la Vendée, la Haute-Garonne, les Basses-Pyrénées, le tribunal criminel et les tribunaux d’exception rendent simultanément la justice révolutionnaire ; dans d’autres, comme la Mayenne, il semble que le tribunal criminel, jugé trop peu expéditif, ait été purement et simplement remplacé par des commissions. Ainsi

  1. Décrets des 7 octobre 1793, 19 février et 13 mars 1794. Ces trois décréts nomment des jugea au tribunal de cassation.