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républicain dans la chambre des communes. Ce fut très certainement une conséquence de la fondation de la république en France. Il y avait toujours eu quelques républicains en Angleterre ; ils n’avaient jamais réussi à former un parti parlementaire ; en 1871, on put croire qu’ils allaient y arriver. Un homme jeune, ambitieux, plein de talent, se prononça en faveur de leurs idées. C’était sir Charles Dilke, récemment entré dans la vie politique comme député du bourg métropolitain de Chelsea. Que Dilke eût des opinions très libérales et presque radicales, on le savait et personne n’aurait songé à l’en blâmer ; mais on regretta de voir le fils d’un protégé, d’un ami du prince Albert, aller un moment jusqu’à se faire républicain. Aussi fut-il très durement traité par la presse et par l’opinion. Les journaux satiriques le caricaturèrent ; on le surnomma le citoyen Dilke, le Gambetta de l’Angleterre. A côté de ces épigrammes et de ces colères, quelques rares enthousiasmes. Cela se passait dans l’automne de 1871. Le nom de Dilke fut alors sinon le plus populaire, du moins le plus souvent cité dans toute l’Angleterre. Il faut lui rendre justice ; au milieu de ce tapage, il montra un beau sang-froid. Il ne se laissa pas griser par les éloges ; il ne se laissa pas démonter par les attaques. A la rentrée des chambres, il présenta tranquillement une motion contre les dépenses occasionnées à l’Angleterre par la royauté et la défendit en bons termes, comme une proposition toute naturelle et tout ordinaire. M. Gladstone répondit avec une ardeur qu’on n’attendait pas d’un premier ministre presque démocrate. Ardeur sincère sans doute, mais ardeur nécessaire et politique ; car bien des gens, sans prendre M. Gladstone pour un républicain, le regardaient comme un précurseur de la république, comme un allié inconscient de sir Charles Dilke. Il lui importait donc essentiellement de dissiper ce soupçon. Les difficultés d’ailleurs s’accumulaient devant lui. L’idée du rappel de l’union, de la séparation législative et administrative entre les deux parties du royaume-uni n’avait jamais complètement disparu en Irlande ; seulement depuis la mort d’O’Connell, les autonomistes irlandais n’avaient plus de chef et plus d’orateur. Ils finirent par en trouver un et de ce jour le parti du home rule, héritier direct du parti du rappel, fut constitué. Chose bizarre, le chef du nouveau parti, Isaac Butt, avait été dans sa jeunesse un adversaire d’O’Connell. Protestant de religion, il débuta en politique comme conservateur et protectionniste. Malgré ses opinions, il fut choisi comme avocat par Smith O’Brien dans l’affaire de la jeune Irlande en 1848. Ce procès, qu’il plaida avec beaucoup de talent, le mit en rapport avec les chefs du parti irlandais. Peu à peu ses opinions se modifièrent. Les chefs du parti conservateur l’oubliaient ou ne voulaient se servir de