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transplanté, Luttrell, obtient à grand’peine la permission de coucher dans ses propres écuries pour avoir le temps de faire ses préparatifs de départ. Lord Roche et ses filles sont obligés de se rendre à pied dans le Connaught ; Édouard Hetherington est pendu pour avoir refusé de se laisser transplanter. Il est exécuté à Dublin le 3 avril 1655 et pour l’exemple on lui met sur la poitrine un écriteau avec ces mots : For not transplanting.

Après le retour des Stuart brusque changement. Charles II flotte entre les protestans et les catholiques, mais Jacques II se prononce ouvertement en faveur du catholicisme. Pendant qu’il était chassé d’Angleterre par Guillaume d’Orange, l’Irlande lui resta fidèle. Là il régna encore deux ans ou plutôt ce furent les chefs du parti irlandais, Tyrconnel en tête, qui régnèrent en son nom. De persécutés les catholiques devinrent persécuteurs. Les Anglo-Saxons avaient pendu les Celtes et avaient usurpé leurs terres ; les Celtes à leur tour se donnèrent le plaisir de pendre les Anglo-Saxons et de confisquer leurs biens. Il fallait prévoir de terribles représailles au cas où l’Angleterre reprendrait possession de l’île. Aussi les Irlandais, même après la défaite de la Boyne et la fuite de Jacques II, continuèrent-ils à lutter avec acharnement. Enfin le 8 octobre 1691, ils signent à Limerick une capitulation ou plutôt un traité avec les généraux de Guillaume III. Le préambule désigne comme parties contractantes : d’un côté, le baron Gaskell, commandant en chef, sir Charles Porter et Thomas Conningsby, représentant Guillaume et Marie, roi et reine ; de l’autre Sarsfield, le comte de Lucan, le vicomte Galway, le colonel Purcell, le colonel Cusack, sir John Buller, le colonel Dillon, représentant la nation irlandaise. Les clauses principales du traité sont le libre exercice du culte catholique, le droit pour les catholiques de siéger au parlement, la liberté commerciale en faveur de l’Irlande, la garantie de la libre jouissance de leurs biens à ceux qui ont pris les armes en faveur de Jacques II, une amnistie générale. Le traité est accepté par Guillaume et Marie ; il est déchiré par le parlement de Dublin, en majorité protestant. Les catholiques sont exclus des deux chambres irlandaises, comme ils l’étaient déjà des deux chambres anglaises ; ils sont privés du droit de vote, soit pour les élections législatives, soit pour les élections municipales ; ils ne peuvent pas s’éloigner à plus de 4 milles de leur résidence. De nouvelles confiscations sont prononcées. Guillaume III ayant rendu aux anciens propriétaires quelques parcelles des terres qui leur avaient été enlevées, on l’accuse de complaisance pour les papistes, lui, le chef du parti protestant en Europe. Les concessions faites par lui sont annulées ; les terres sont reprises pour être vendues : défense aux catholiques de s’en rendre adjudicataires. Sous la reine Anne,