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lui fallait sa loi d’exception dans le plus bref délai : les deux chambres expédièrent les trois lectures en une seule journée. La reine était à Osborne ; la chambre des lords siégea jusqu’à ce que la sanction royale fut arrivée de l’île de Wight. Enfin le dimanche, à une heure du matin, tout était terminé, et le parlement ; en se séparant, pouvait se dire qu’il n’avait pas perdu sa journée. En moins de vingt-quatre heures, la loi avait été discutée, votée et sanctionnée.

Qu’était-ce donc que ces fenians qui inspiraient assez de terreur à l’Angleterre pour la décider à prendre précipitamment des mesures de suprême défense ? Leur nom était emprunté à une ancienne milice celtique que l’on trouve mentionnée dans Walter Scott. Leur organisation ! était l’œuvre d’un réfugié de 1848, John O’Mahoney, qui, après s’être jeté dans le mouvement de la jeune Irlande, avait émigré aux États-Unis. Des journaux furent créés pour servir d’organes à l’association : l’Irish People à Dublin, l’Irish American à New-York. Des souscriptions furent recueillies parmi les Irlandais établis en Amérique pour acheter des armes. Le 25 décembre 1863, une convention feniane se réunit publiquement à Chicago pour préparer une descente en Irlande. James Stephens partit pour l’Europe, muni d’argent et investi de pleins pouvoirs. On ne s’expliquerait ni l’audace que montraient les chefs du fenianisme ni la tolérance qu’ils rencontraient de la part du gouvernement américain, si l’on ne se souvenait qu’à ce moment, l’affaire de l’Alabama était pendante entre l’Angleterre et les États-Unis. Le gouvernement de Washington ménageait donc les fenians en vue d’une rupture possible avec l’Angleterre et les fenians, de leur côté, comptaient sur l’appui éventuel de l’Amérique. On sait que l’affaire de l’Alabama, après avoir traîné pendant plusieurs années, finit par se dénouer pacifiquement. Les fenians, ne voyant pas venir la rupture attendue entre les États-Unis et l’Angleterre, perdirent patience et prirent le parti d’agir seuls. C’est alors qu’ils inondèrent l’Irlande de leurs émissaires et que le gouvernement britannique, de son côté, devant un danger qui prenait un caractère d’imminence, demanda en toute hâte aux deux chambres les moyens de se défendre.

Les mesures votées par le parlement anglais ne parurent pas tout d’abord avoir intimidé les fenians. Au contraire, il y eut chez eux, au premier moment, une recrudescence d’ardeur et d’activité. Le 4 mars ; , deux chambres fenianes se réunirent solennellement à New-York. Le colonel O’Mahoney, du 19e régiment de la milice new-yorkaise, l’un des fondateurs et le principal organisateur de l’association, fut nommé président de la république irlandaise ; des fonde furent votés pour une expédition qui devait mettre à la voile