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assez stérile. Les commissions sans nombre nommées pour la révision de toutes les institutions se perdent dans leurs travaux ; les prisés en considération deviennent une plaisanterie. Les votes sont sans conséquence et se contredisent souvent d’un jour à l’autre. Nos législateurs, c’est bien clair, soulèvent plus de questions qu’ils n’en peuvent résoudre ; ils sont les premiers embarrassés de ce qu’ils font, et on s’en aperçoit bien rien qu’à voir les péripéties par lesquelles a déjà passé cette réforme judiciaire si légèrement entreprise. Au fond, il n’y a pas à s’y tromper, ce qu’on voulait tout simplement d’abord, c’était se procurer, par une suspension temporaire de l’inamovibilité, un moyen commode d’épuration de la magistrature ; mais il s’est trouvé que dans un entraînement radical, par un de ces mouvemens si fréquens dans une chambre incohérente, on a voté à l’improviste et la suppression complète de l’inamovibilité et le principe de l’élection des juges. Voilà l’embarras ! Comment sortir de là ? Quelques députés, plus pressés d’obtenir des révocations de magistrats que d’assister à l’expérience de la magistrature élue, ont imaginé l’autre jour de revenir par voie indirecte, par une proposition nouvelle, à l’expédient de la suspension temporaire de l’inamovibilité. C’était l’épuration immédiate dans toute sa crudité ! La tentation a été grande un moment. La manœuvre était pourtant trop grossière ; la chambre a reculé, le gouvernement lui-même a refusé la brutale mission qu’on lui offrait, de sorte qu’on se retrouve toujours en face du premier vote sur la suppression de l’inamovibilité accompagnée de l’élection des juges, et il y a maintenant bien des chances pour que cette réforme judiciaire reste en chemin.

En général, dans toutes ces délibérations confuses, décousues, qui se succèdent sur la magistrature, sur l’armée, sur l’enseignement, l’esprit de parti se manifeste d’une manière si visible, avec un tel emportement qu’il frappe pour ainsi dire d’avance de stérilité toutes ces œuvres mal venues. Il y a surtout un sentiment qui fait tout oublier, le bon sens, l’équité, les plus simples garanties libérales, c’est cette antipathie vulgaire contre ce qu’on appelle le cléricalisme, en d’autres termes, contre toute influence religieuse. Pour satisfaire ce sentiment aveugle, il n’est rien qu’on ne se permette, et il est assez clair que cette loi sur l’enseignement secondaire qui vient de reparaître à la chambre, qui s’inspire de cette passion aveugle, n’est rien moins que libérale. On aura beau atténuer ou interpréter ce nouveau certificat pédagogique exigé des maîtres des institutions libres, c’est toujours un retour plus ou moins déguisé à l’ancienne autorisation, un instrument de parti mis dans les mains de tous les gouvernemens qui pourront se succéder ; sous une forme plus adoucie, plus tempérée, c’est au fond l’idée de M. Madier de Montjau, qui,