Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’été. Ce projet n’était pas de nature à intéresser les chambres : aucun des partis n’y trouvait d’aliment à ses passions ; la gauche n’y rencontrait pas le moyen d’obtenir une épuration du personnel judiciaire. Le projet fut oublié.

Il n’y a pas lieu d’en être surpris quand on songe que la réforme la plus favorable aux petits propriétaires, imaginée par M. Dufaure et proposée en 1876, n’est pas encore votée par la chambre des députes. Les ventes judiciaires d’immeubles donnent lieu à des formalités ruineuses pour les petites propriétés. Croirait-on que, pour les immeubles vendus moins de 1,000 francs, les frais absorbent la moitié de la valeur. Si l’enchère est au-dessous de 500 francs, la confiscation est complète. À cet ancien abus, que la routine croyait impossible à corriger, le garde des sceaux entendit remédier. Il obtint du ministre des finances une remise progressive des droits d’enregistrement, qui variait suivant le prix de vente et qui s’élevait jusqu’à la totalité des droits si l’immeuble avait été vendu moins de 500 francs. Une concession aussi large appelait un sacrifice analogue de la part des auxiliaires de la justice. Représentés dans la commission réunie à la chancellerie, ils adhérèrent aux plus généreuses réductions. Dans un pays où la propriété est aussi divisée qu’en France, il n’y avait pas de projet plus démocratique ni qui méritât plus un vote d’urgence. Au moment où M. Dufaure le déposait, il aurait été bien surpris, si on lui eût dit qu’une commission saurait le retenir et l’enterrer pendant six ans.

D’autres projets étaient préparés en silence : les améliorations bruyantes ne sont ni les plus fécondes ni les plus durables. M. Dufaure, on le sait, avait le goût des réformes. Sa longue expérience accueillait avec satisfaction celles que concevait l’initiative toujours en éveil de son jeune secrétaire-général ; cette époque de sa vie fut une des plus dégagées de souci. Il était heureux d’observer, dans toutes les branches du service judiciaire, des modifications heureuses, une impulsion plus éclairée, une meilleure organisation.

La fin des vacances vint détourner le garde des sceaux de ces intéressantes études. Les députés de la gauche revenaient fort animés contre les fonctionnaires, dont l’adhésion à la république leur semblait singulièrement lente. Chaque député avait un grief contre un des ministres, mais les magistrats avaient le don d’exaspérer leurs colères. Il y avait plus d’un membre de la chambre qui menaçait de renverser le président du conseil pour un juge de paix. Le jour où le parlement reprit ses travaux, un observateur attentif aurait pu voir que les rapports entre le garde des sceaux et les députés s’étaient sensiblement aigris. Les discussions ne tardèrent pas à s’en ressentir.

La cessation des poursuites à l’occasion de la commune fut l’objet