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de ceux qui ont assisté à leurs débuts. » le concours fit sortir de l’obscurité des hommes de savoir et de mérite auxquels la magistrature « n’aurait ouvert ses rangs que très tard et avec beaucoup de difficulté. » La valeur des épreuves dépassa l’attente : un grand nombre de jeunes gens apportèrent dans les parquets un talent qui mit hors de conteste l’institution des concours. La faveur seule s’en émut ; les choix purement politiques en souffrirent ; à la chambre, les solliciteurs évincés ne cachèrent pas leur dépit. Aussi, après M. Dufaure, le concours, de toutes les réformes la plus démocratique, devait-il être délaissé.

Il ne suffisait pas d’assurer le recrutement, il fallait que la discipline des tribunaux, le travail régulier de leurs membres fût partout assuré. M. Dufaure craignait que le contrôle manquât de vigilance. Les procureurs-généraux furent invités à faire des tournées fréquentes et à envoyer des rapports sur chaque siège et sur chaque magistrat. Rien de plus curieux que cette vaste enquête sur l’état de notre organisation en 1876 ; chacun de ces rapports jette sur nos mœurs judiciaires une lumière inattendue ; l’horizon peut paraître borné, la vie modeste et routinière, mais la valeur morale est très grande et le respect des justiciables entoure le tribunal. Seuls, les jeunes magistrats, arrivant avec toute l’ardeur de leur âge au milieu de ces existences paisibles, sentaient le poids de leur inaction. Quelques-uns, réagissant d’abord avec énergie, préparaient une étude sur un point de législation ou d’histoire, puis le découragement les envahissait. Le garde des sceaux voulut qu’un comité composé de tous les magistrats membres de l’Institut prît connaissance des travaux de leurs jeunes collègues, soit pour en faciliter la publication, soit pour en mentionner le mérite dans le dossier de l’auteur.

À ces réformes intérieures il faut ajouter les travaux législatifs qui se préparaient à la chancellerie et dont les chambres allaient être saisies. À la suite de longues études, M. Dufaure reconnut que le principal vice de l’organisation judiciaire actuelle était le nombre excessif des magistrats et l’insuffisance de leur situation pécuniaire. Il voulut apporter un remède au mal, sans altérer aucune des garanties actuelles, sans changer les relations des justiciables et sans modifier une seule de nos lois de compétence. Il y parvenait en supprimant en certains sièges peu occupés deux juges et un substitut et en puisant dans un tribunal voisin, les jours d’audience, les magistrats nécessaires. Appliqué pour de petites distances reliées par un chemin de fer, ce système aurait réalisé une économie sensible, sans bouleverser l’administration de la justice, plus que ne le font les voyages des magistrats et des avocats allant aux environs de Paris et en revenant, chaque matin, dans la saison