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Sur-le-champ, le garde des sceaux institua une commission des grâces chargée de l’éclairer et de préparer avec voix consultative les propositions qu’il soumettrait au président de la république.

Cette politique de détente à laquelle ne se mêlaient ni haines ni faiblesses, convenait aux nouveaux élus. Les électeurs ne les avaient chargés que de maintenir la république et d’en affirmer l’existence. Ils trouvaient un gouvernement qui prenait au sérieux nos institutions. Cela suffisait à leurs premières exigences. La session se passa sans orages, et le garde des sceaux trouva le temps de se livrer aux études qui étaient pour lui un repos.

À côté de l’initiative parlementaire dont il lui semblait que la chambre faisait abus, il lui plaisait d’accomplir sans bruit des réformes durables. L’étude des législations étrangères avait attiré de bonne heure son attention. Président de la société de législation comparée, il avait suivi et dirigé ses travaux. Il lui sembla que l’état, sans se substituer à l’initiative privée, avait une action féconde à exercer en formant une collection de lois étrangères qu’un système bien établi d’échanges tiendrait sans cesse au courant. Il demanda au budget une allocation annuelle et forma auprès du ministère, sous la présidence d’un des plus savans jurisconsultes du conseil d’état, devenu son ami, un comité auquel il confia la mission de réunir tous les textes et de publier les traductions des codes étrangers. Rien n’est venu troubler dans son développement une œuvre qui offre aux chambres et à tous ceux qui étudient ou qui appliquent le droit une ressource jusque-là inconnue.

Le garde des sceaux était persuadé que le seul moyen de mettre les magistrats à l’abri des attaques qui se produisaient, et dont il pressentait le redoublement, était de peupler les compagnies judiciaires des intelligences les plus distinguées et d’entretenir à tous les degrés le goût des travaux de l’esprit. Tel fut le but qu’il ne cessa de poursuivre. L’établissement du concours au seuil de la carrière judiciaire en fut la marque la plus éclatante. Il avait été frappé des résultats que donnait le concours à l’aide duquel se recrutaient les auditeurs au conseil d’état : il résolut d’instituer, sous le nom d’attachés, un corps de candidats parmi lesquels il puiserait les jeunes magistrats. « Nous vivons, disait-il dans la circulaire où il exposait les motifs de sa résolution, à une époque où toutes les fonctions publiques qui ne sont pas données à l’élection doivent se défendre par le mérite de ceux qui les occupent. Nous n’échapperons à l’application des théories fausses qui se sont fait jour dans ces derniers temps relativement à l’élection des magistrats qu’à la condition d’éviter dans nos choix toute faiblesse et de ne laisser entrer dans les rangs de la magistrature que des jeunes gens capables, instruits, ayant déjà fait leurs preuves et conquis l’estime