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condamnation dont la commune le frappait, le pillage ordonné et froidement exécuté de sa demeure de Paris, la perte de tout ce qu’il y avait laissé de souvenirs venant s’ajouter au pillage récent de sa maison de Rueil par l’armée allemande, toutes ces douleurs le touchaient moins que les maux et l’humiliation de la France. Dans l’intimité de sa famille, il ne parlait que de l’intérêt public, de même qu’à la tribune c’est à la patrie seule qu’il songeait, le jour où sur une interpellation de M. Louis Blanc, il eut à dire son sentiment au sujet des « conciliateurs qui considéraient du même œil l’ordre légal et l’insurrection, le pouvoir créé par le vœu de la France, et la dictature qui s’est imposée par le crime et règne par la terreur. »

Il avait hâte de montrer comment il entendait qu’un gouvernement soucieux du droit fit juger un tel crime. Il se souvenait des transportations d’une autre époque et des haines dont elles avaient semé les germes. En plein accord avec M. Thiers, il mettait son honneur à ne pas faire subir une seule peine qui n’eût été régulièrement prononcée. Le jour où le dernier coup de feu fut tiré, trente mille prisonniers étaient arrêtés, il s’agissait de statuer sur chacun d’eux. Ce fut l’œuvre des conseils de guerre. Assurément il y eut des condamnations d’inégale sévérité : c’est le sort de la justice humaine, mais il n’y eut pas un châtiment prononcé sans que l’accusé ait pu se faire entendre et se faire défendre. C’est un fait sans analogue dans l’histoire des guerres civiles, et, quels que soient les jugemens des contemporains, ce sera un précédent que l’avenir ne négligera pas.

Sans enlever l’impulsion au ministre de la guerre, il prit en main la direction légale des poursuites. C’est à lui que le général Appert, qui dirigea supérieurement ce travail, en référait pour toutes les questions de droit, et ce grand exemple de respect de la loi, donné par tout le corps d’officiers au lendemain de la lutte la plus sanglante de notre temps, lui semblait un hommage et un enseignement.

Il n’y avait pas seulement à châtier, il fallait réparer les maux que des mains criminelles avaient commis. La destruction des registres de l’état civil de Paris destinée à frapper la famille, de même que l’incendie du grand livre devait frapper la propriété, créait une perturbation sans précédent. Peu de jours après la rentrée dans Paris, M. Dufaure s’entourait d’une commission chargée de préparer un projet de reconstitution ; il en dirigeait les travaux avec la plus vive sollicitude, recherchait tous les moyens d’effacer le souvenir de cette calamité publique, présentait à l’assemblée et faisait voter une loi dont il a pu suivre pendant dix ans les heureux résultats.

Les ruines de la commune n’étaient pas les seules à relever, il y