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contraire, à toutes les conditions de la peinture monumentale ; si elle n’a pas la souplesse de la fresque, elle l’emporte sur elle par son éclat et sa résistance, avantages qui ont dû être particulièrement appréciés chez des peuples et en des temps préoccupés d’assurer à leurs créations une durée éternelle. Aussi la peinture exécutée au moyen de cubes de marbre ou de cubes de verre, cette peinture pour l’éternité, comme on l’a fort bien appelée, a-t-elle tenu pendant une période de plus de mille ans une place absolument prépondérante dans les annales de l’art ; les aspirations du monde romain, aussi bien que celles des barbares, semblent s’incarner en elle ; pour l’antiquité comme pour le moyen âge, l’étude de ses productions est une première assise, une pierre angulaire de toute histoire de l’art ; ce sont les expressions d’un archéologue doublé d’un écrivain. « Ces œuvres un peu rudes, ajoute M. Vitet dans son compte-rendu de l’ouvrage par lequel M. Barbet de Jouy a eu le mérite d’appeler l’attention du public sur cette classe de monumens, ces œuvres un peu rudes, souvent presque barbares, mais toujours grandioses, parfois même belles, offrent un champ d’études absolument nouveau dès qu’il s’agit d’y chercher des notions sur l’état du goût, le caractère du style et du dessin à Rome et dans l’Occident. »

L’appel adressé aux savans par MM. Barbet de Jouy et Vitet a été entendu. En France, en Allemagne, en Italie, toute une pléiade d’archéologues et d’historiens d’art s’applique depuis lors à l’étude de monumens si peu ou si mal connus. Elle a eu fort à faire, surtout pour en fixer la chronologie ; des erreurs de date de six ou même de huit cents ans n’avaient naguère rien d’extraordinaire dans des ouvrages faisant autorité ; c’est ainsi qu’il a fallu restituer au Ve siècle la belle mosaïque de Sainte-Pudentienne, si longtemps attribuée au IXe, et les élégans rinceaux du baptistère de Constantin, dont on avait cru pouvoir faire honneur au XIIIe. Pour aller plus vite, on s’est partagé un domaine qui ne laisse pas que d’être considérable. L’un, M. R. Engelmann, a jeté son dévolu sur l’antiquité classique ; un autre, M. Labarte, sur le moyen âge. Les mosaïques de Ravenne ont fourni à MM. Rahn, Richter et Bayet la matière d’observations intéressantes ; Mgr Barbier de Montault a fait de celles de Milan l’objet d’une étude approfondie. Il appartenait au maître des antiquités chrétiennes de mettre en lumière les mosaïques de la ville éternelle : M. de Rossi n’a pas failli à cette tâche ; son ouvrage se recommande par le luxe typographique non moins que par l’abondance des informations, la sûreté d’une critique toujours en éveil. Plus récemment, M. Jules Comte, inspecteur-général des écoles d’art décoratif, et M. Quantin ont assigné à la mosaïque une place d’honneur dans cette Bibliothèque de l’enseignement des