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précautions ; c’était d’autant plus naturel qu’il avait une dette de reconnaissance envers ces mêmes habitans ; fatigués de la tyrannie militaire de Cromwell, ils avaient facilité la restauration et, par là même, ils avaient fait sentir leur force. Toutes ces mesures restrictives n’avaient jamais eu grande efficacité et, dix ans après la dernière ordonnance royale dont nous parlions plus haut, Davenant, dans son Essay on ways and means of supplying the war, combattait déjà l’idée que l’extension de Londres fût un mal. Vouloir arrêter l’essor de la capitale était peine perdue au XVIIIe siècle[1]. L’agrandissement de Londres a été rapide, soudain ; il est l’œuvre des cent cinquante dernières années. Le développement des institutions municipales n’a pas marché parallèlement. Il en est résulté qu’en dehors de la cité de Londres, de Westminster et de Southwark, le reste de l’agglomération de maisons et d’habitans était abandonné à lui-même, sans lois générales, sans organisation.

Londres n’a pas grandi d’une manière systématique. La capitale n’avait pas qu’un seul centre autour duquel elle se développait. En dehors de la cité, qui était le noyau véritable, il y avait Westminster, doté d’une organisation à part, à demi ecclésiastique, qui subsiste encore aujourd’hui d’une façon nominale ; il y avait les villages adjacens, qui se sont étendus, qui se sont donné la main pour former un ensemble.

Dans les temps anciens, la cité, enfermée dans ses murailles, semble avoir été regardée comme la capitale, mais à mesure que la population dépassait ses étroites limites, les districts connus aujourd’hui sous le nom de quartiers extérieurs (outer wards) étaient incorporés à la cité. Lorsque le district de l’autre côté de la rivière, au pied du pont de Londres, se peupla davantage, il fut aussi annexé à la ville mère. La cité, siège du commerce, possédait un gouvernement municipal d’une haute antiquité. Westminster, où se trouvaient les habitations de la royauté et du parlement, était administré en vertu de chartes anciennes. De temps immémorial, la cité, Southwark et Westminster avaient envoyé des représentans à la chambre des communes, mais la ville nouvelle ne comptait pas aux élections.

Les cités de Londres et de Westminster avaient commencé par être séparées l’une de l’autre ; il y avait eu entre elles des terrains vagues, sans maisons ; dans les premières années du XVIIe siècle, elles étaient pleinement réunies l’une à l’autre, en partie, dit-on grâce au grand nombre d’Écossais qui avaient suivi à Londres Jacques Ier et qui s’étaient établis le long du Strand (la rue qui suit le

  1. Les efforts des Tudors et des Stuarts ne furent imités par aucun des souverains de la maison de Brunswick.