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de plus en plus dans tous les musées de l’Europe, chaque peinture porte sur un cartel, avec la désignation du sujet, celle de l’auteur, les dates de sa naissance et de sa mort, enfin le nom de l’école à laquelle il appartient. Ces renseignemens suffisent à la plupart des visiteurs ; ceux qui en désirent de plus étendus doivent recourir au catalogue provisoire rédigé par les deux directeurs, MM. J. Meyer et W. Bode, et dont la dernière édition remonte à 1878.

En parcourant les salles consacrées à la galerie de peinture, un court examen suffit pour reconnaître que ni les grandes époques, ni les grands maîtres n’y sont représentés par des œuvres bien importantes. A raison même de sa trop récente création, le musée de Berlin se trouvait dans un état d’infériorité dont, malgré les plus sérieux efforts, il n’a pu entièrement se relever. On s’est appliqué du moins à écarter de ce musée toutes les productions insignifiantes ou médiocres. Tel qu’il est aujourd’hui, il a sa physionomie propre, et comme la National Gallery de Londres, dont la formation date à peu près de la même époque, il contient les plus précieux élémens d’étude pour l’histoire des origines et du développement de la peinture, aussi bien dans les Flandres qu’en Italie. Les panneaux des Van Eyck sont, il est vrai, le seul ouvrage tout à fait hors ligne qu’on y puisse citer, mais la réunion des primitifs italiens, des quattrocentisti, est peut-être la plus nombreuse et la plus remarquable qui existe. En signalant ici les œuvres capitales de la collection, nous nous arrêterons de préférence à celles qui se rapportent à cette période de jeunesse et de progrès. Il y a un intérêt d’une nature particulière à voir ainsi un art croître peu à peu, à sentir que tous les pas qu’on fait avec lui rapprochent de la perfection. Dans ses timidités comme dans ses audaces, les manifestations de cet art ont un caractère de sincérité et de candeur dont sa maturité n’égalera pas toujours le charme. Il n’a pas encore eu le temps de se détacher de la société au milieu de laquelle il a pris naissance ; il reste intimement lié à sa vie, et quand il veut traduire ses aspirations, il leur prête une éloquence qui nous touche d’autant plus qu’elle s’exprime d’une manière plus simple et plus ingénue.


II

Berlin devenant la capitale de l’empire germanique, il était naturel qu’on songeât à y réunir les meilleurs ouvrages de l’art allemand. Mais la fécondité de cet art n’a été ni bien grande, ni de bien longue durée, et après la part qu’avaient déjà prélevée les églises ou les collections de Cologne, de Nuremberg, d’Augsbourg, de Munich ou de Vienne, la réalisation d’un tel dessein devenait