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entre le saint-siège qui ne les a jamais reconnues et l’état qui les subventionne sans trop regarder à leur doctrine. Isolément, et si surtout elle émanait d’une autre source, la proposition pourrait donc se défendre. Malheureusement, elle emprunte à l’ensemble de mesures dont elle fait partie un air de provocation auquel il est difficile de se méprendre.

Le numéro 3 a de grands rapports avec le numéro 1 : il se recommande aux partisans de l’omnipotence de l’état par le même mépris de la liberté et par le même esprit de domination jalouse et tracassière. Jusqu’ici, les ministres les moins suspects de cléricalisme avaient jugé très suffisantes les garanties exigées des directeurs d’établissemens privés par la loi de 1850, à savoir : un certificat de stage de cinq ans comme professeur ou surveillant dans un collège public ou dans un pensionnat et le diplôme de bachelier, ou,, à défaut de ce diplôme, un brevet de capacité délivré par un jury institué à cet effet. Il eût paru malséant de soumettre les membres de l’enseignement libre à des conditions que l’état n’impose pas à ses propres fonctionnaires. Ce n’est pas ainsi que les nouvelles couches ministérielles entendent le gouvernement. Elles diraient volontiers de la liberté d’enseignement ce qu’un spirituel écrivain a dit de la république conservatrice : « C’est une bêtise, » et, de fait, elles en usent, comme si c’en était une. En effet, suivez ce raisonnement ; Plus l’enseignement est libre et moins il offre de sécurité ; moins il offre de sécurité, plus il faut prendre de précautions contre lui. Donc, où l’état ne demande à ses professeurs que le grade de bachelier, il exigera des professeurs libres le grade de licencié ; et tandis qu’un principal de collège ou même un proviseur ne sont obligés qu’au baccalauréat ès-lettres ou ès-sciences, le directeur d’un établissement privé sera tenu de produire, en outre, un certificat d’aptitude pédagogique, délivré par un jury purement universitaire. En d’autres termes, l’enseignement libre a déjà beaucoup de peine à recruter son personnel ; la dispersion des congrégations l’a privé du plus clair et du meilleur de ses ressources ; ajoutons à cette difficulté de nouvelles entraves ; rétablissons contre lui le système prohibitif, en attendant que nous soyons assez forts pour revenir au monopole, tel est le commentaire naturel de cette troisième proposition.

La quatrième et dernière touche à des objets si divers et si nombreux que l’énumération seule en serait fastidieuse et qu’il faudrait, pour y mettre un peu d’ordre et de lumière, un très long travail. Notre législation scolaire était déjà singulièrement compliquée, grâce aux nombreuses vicissitudes qu’elle a subies depuis trente ans. Ce n’est pas à coup sûr ce nouveau projet en 5 litres et 81 articles, mal coordonnés et d’une rédaction peu juridique, qui