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restera l’œuvre incontestée, la création sublime, l’invention indiscutable du christianisme.

Quoi qu’il en soit, et après avoir proclamé tout ce que l’islamisme et le christianisme ont apporté de nouveau sur la terre, il n’en reste pas moins vrai que l’une et l’autre religions sont issues du judaïsme, qu’elle ne sont même, à tout prendre, que de grandes hérésies juives qui se sont développées outre mesure aux dépens du tronc dont elles étaient sorties. Durant des siècles, le judaïsme lui-même, frappé de stérilité après ce prodigieux effort de production, a perdu toute action sur le monde. L’abaissement politique des juifs a achevé d’éteindre en lui tout ce qu’il aurait pu conserver sinon de vitalité, au moins d’initiative. Indirectement mêlé au mouvement intellectuel arabe, il a contribué sans doute à ses heureux débuts, mais il n’a pas été capable de le préserver d’un arrêt subit, suivi bientôt d’un recul profond et d’une décadence irrémédiables. Son rôle dans le moyen âge est tout à fait secondaire, effacé. Condamnés alors à concentrer toute leur activité sur les intérêts terrestres, les juifs ont acquis lentement, progressivement la grande supériorité pratique qui est restée depuis le caractère principal et distinctif de leur race. Asservis politiquement et moralement, ils sont devenus matériellement les maîtres du monde. Dans presque tous les pays, la richesse publique est aujourd’hui entre leurs mains ; il ne leur manquait plus que la liberté ; notre siècle la leur a rendue. Quel usage en feront-ils ? comment emploieront-ils leur force ? chercheront-ils à dominer à leur tour ceux qui les ont si longtemps dominés ? Questions pressantes et dont les campagnes antisémitiques qui se poursuivent dans les plus grandes nations européennes prouvent la gravité.

Il est certain que le pouvoir, après la fortune, risquent de passer un peu partout aux juifs. Longtemps obligés de se contenter de métiers inférieurs, voués uniquement au commerce, à l’industrie, à la banque, ils ont, depuis leur émancipation, la noble ambition des enrichis qui désirent consacrer leurs loisirs aux intérêts et aux œuvres générales. On les voit assiéger les fonctions élevées et occuper un à un tous les abords de la puissance. Il n’y aura rien de surprenant à ce qu’un jour ils parviennent à s’en emparer complètement. En effet, s’ils ont montré durant toutes les périodes de leur histoire une grande inaptitude politique, cela ne les a pourtant point empêchés de poursuivre sans cesse, à côté de leur idéal moral, un idéal profane, très terre à terre, qu’à certains momens ils ont paru sur le point de réaliser. Et peut-être l’auraient-ils réalisé, si les espérances spirituelles n’étaient pas venues les en détourner pour les lancer dans des aventures pratiquement de plus en