Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 51.djvu/879

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si rares qui, avec votre aînée l’école Monge, dont je vois avec plaisir le directeur à côté de moi, fournissez un actif au bilan de cette loi funeste de 1850, dont le passif formidable se résume en un mot : séparation en deux camps hostiles de la jeunesse française. Oui, vous étiez de ceux dont le souvenir et l’exemple gênaient et retenaient dans l’expression complète de leur pensée les hommes publics qui s’écriaient dans des discussions récentes : « La liberté d’enseignement, elle n’a produit en politique que la discorde, en pédagogie que l’abaissement des études ! »

Ces paroles résument très bien les griefs persistans des adversaires de la liberté d’enseignement et leur embarras pour donner à ces griefs la seule satisfaction que réclamerait la logique : le rétablissement du monopole. La liberté, suivant eux, a produit presque partout des œuvres détestables, mais elle en a produit aussi d’excellentes, et ces dernières ont assez de prix à leurs yeux pour qu’ils craignent de les sacrifier à leur animosité contre les premières. En un mot, leur point de vue est le même que celui d’une orthodoxie intolérante ; ils ne reconnaissent que « la liberté du bien » et ils cherchent des biais pour lui permettre de se maintenir sans abriter sous les mêmes garanties « la liberté du mal. »

Le « mal, » c’est l’enseignement ecclésiastique ou congréganiste, et en général, tout enseignement, même laïque, où les intérêts de la foi religieuse tiennent la première place. Nous ne voulons discuter ici ni la réalité ni la gravité de ce prétendu mal, ni le degré de liberté qu’il convient de lui laisser. Nous ne voulons que montrer dans quelles difficultés on s’engage et à quelle impuissance on se condamne quand on n’admet pas franchement la liberté de droit commun, la liberté pour tous.

La première arme de combat forgée contre l’enseignement clérical a été ce fameux article 7 qui, introduit dans une loi sur l’instruction supérieure, visait surtout l’instruction secondaire. Nous ne reviendrons pas sur les objections qu’il a soulevées et sous lesquelles il a fini par succomber. Il est vrai qu’il a reparu aussitôt sous une autre forme et que les décrets du gouvernement, les décisions du tribunal des conflits, les jugemens des conseils académiques et du conseil supérieur ont permis de poursuivre avec une meilleure fortune le but devant lequel avait reculé la prudence du sénat. Nous laisserons également de côté la discussion de ces divers actes. Il nous suffit d’en rappeler les résultats. Il n’y a plus de collèges de jésuites ; il n’y a plus même, dans les établissemens qui ont remplacé ces collèges, de directeurs, de professeurs, d’employés quelconques appartenant ou ayant appartenu à la compagnie proscrite, ou du moins ils savent si bien se déguiser qu’ils échappent à l’œil de l’administration et des partis. Les autres