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à cheval, s’avance le roi de Grenade, un Boabdil ou un Abdérame quelconque, entouré de ses officiers. Il vient choisir pour son harem les plus belles captives chrétiennes parmi celles qui reposent demi-nues et déchevelées sous la garde des soldats. L’exécution de ce tableau n’est pas très poussée, mais la couleur a de l’éclat, la lumière se joue autour des figures, l’air emplit la salle et les jardins. Dans les Rabbins du Maroc commentant la Bible, M. Lecomte du Nouy a d’autres qualités : la finesse et la précision de la touche, la justesse des attitudes, le caractère et la variété des physionomies.

Les peintres militaires n’ont point cette année leurs chefs de file. De Neuville et Détaille manquent à l’appel : ils font parler la poudre dans leur émouvant panorama de la Bataille de Champigny. Qui n’a pas vu la guerre, la voit ; qui l’a faite, la retrouve dans sa saisissante réalité. L’Aube de M. Protais donne aussi une impression exacte. Dans le brouillard du matin, deux clairons de chasseurs à pied lancent les notes claires et gaies de la diane, tandis qu’un groupe d’officiers interrogent l’horizon blanchissant. M. Berne-Belle-cour a peint des cuirassiers qui embarquent leurs chevaux en chemin de fer. Les attitudes, les types, les uniformes sont cherchés en vain dans la manière précise et fine de Détaille. Autant Detaille a de légèreté et de souplesse dans la touche, autant M. Berne-Belle-cour a de sécheresse. On se bat bien dans le 30 novembre 1870, — l’auteur, qui a nom Sergent, mérite l’épaulette, — et dans l’Attaque d’une usine de M. Grolleron ; et il y a un beau coup de soleil dans la Prise de Sfax de M. Brun. Le Général Lapasset brûlant ses drapeaux devant Metz par M. Beaumetz, le Vive le roy ! de M. de Clermont, la Mort du sergent Blandau de M. Devilly, sont des tableaux qui valent par la grandeur patriotique du sujet. Il y a encore des uniformes dans le Général Daumesnil recevant les parlementaires de M. Gustave Mélingue, dans la Rixe au café de la Rotonde en 1814 par M. George Caïn, composition amusante comme une gravure de mode du temps, et dans la Pacification de l’Ouest de M. Coessin de la Fosse. C’est d’ailleurs singulièrement rapetisser le sujet que représenter ce grand fait historique par des hussards de Hoche, qui courtisent les filles et boivent avec les pères.

Un groupe de Bretons, dont, chose curieuse, pas un seul n’est Breton ni même Français : MM. Echtler, Mosler, Penfold et Mlle Singer. M. Penfold a peint, non sans talent, la Mort du premier-né, et Brizeux reconnaîtrait son héroïne dans la Marie de Mlle Singer. La Pécheresse repentie, de M. Echtler, est une jeune personne qui a fait à Paris l’école buissonnière sur le chemin de la vertu et qui vient jusqu’au fond du Morbihan implorer le pardon de son père. Celui-ci, un robuste paysan, se lève menaçant pour maudire sa fille agenouillée devant lui ; mais la mère pleure dans un coin de la