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d’or, sa robe de satin bleu clair, son manteau de fourrure grise doublé de lampas vert pâle. Et pourquoi le peintre a-t-il ainsi noyé la tête dans l’ombre ? La principale chose à montrer dans un portrait, c’est évidemment le visage. Or commentée bien montrer, sinon en y portant la lumière ? Le Portrait de la petite Thérèse G., par M. Goupil, n’est qu’une copie de Tocqué ; mais Tocqué donnait plus de relief aux figures et plus de souplesse aux draperies. Regardons plutôt l’enfant de M. H. Dubois. Voici qui est dans la vérité de la forme et de la couleur. M. H. Dubois n’a pas hésité à peindre comme il les voyait le rouge pomme d’api des joues et le bleu turquoise des yeux.

M. Alexandre Cabanel expose le portrait rétrospectif d’une Patricienne de Venise du XVIe siècle, qu’il a peinte comme un Florentin de la renaissance et le portrait tout contemporain de Mlle des C… Cabanel n’a pas les puissans reliefs de Bonnat, ni la belle couleur de Carolus Duran, il n’a pas non plus la morbidesse de Henner ; mais quelle science du modelé ! quelle sûreté de main ! quelle force contenue se trahissent sous cette tranquille exécution !

Voici deux charmans portraits de jeunes filles : celui de Mlle E. de B., par M. Gaston Saint-Pierre, et celui de Mlle ***, par M. Sargent. Mlle de B., en blanc, avec un fichu de dentelle à la Charlotte Corday, est debout, les bras tombant naturellement et les mains croisées sur le devant de la jupe. La tête, finement touchée et peinte avec une délicate fermeté, a les traits purs, la grâce chaste et l’expression virginale du modèle. Mlle ***, telle du moins que l’a représentée M. Sargent, paraît d’allure plus décidée. Sa main droite sur la hanche, l’autre main tenant une fleur, elle s’avance vers le spectateur dans une robe noire dont les basques à la Watteau n’amincissent pas ses hanches. La bouche ébauche un sourire moqueur. Voici qui n’est pas simple ! Toutefois, en jugeant au point de vue du métier du peintre, il faut louer le piquant de l’attitude, la finesse de la couleur et l’exécution très enlevée. M. Wagrez a cherché la ligne dans son excellent Portrait de Mme de G.., assise et vêtue d’une robe lilas. On demanderait seulement au jeune artiste de réchauffer un peu son coloris et d’assouplir un peu sa facture. M. Vernet-Lecomte a fait de Mme la comtesse B… un portrait fort ressemblant et très franc de couleur comme de touche. Nous recommanderons encore quelques portraitistes à la coquetterie des femmes : MM. Aublet, Erpikum, Castiglione, de Callias, Muraton. On s’arrête devant le Portrait de Mme A. S., par M. Benjamin Ulmann, comme devant un portrait ancien. Cet effet, volontairement obtenu par l’arrangement du vêtement et l’éclairage du tableau, ne saurait nous déplaire. La jeune femme est peinte en buste dans un corsage de velours noir décolleté à la Marie Stuart. Le visage, aux carnations pâles et mates, qu’encadrent d’épais bandeaux de cheveux