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séduits, à l’imitation des obligations émises par les grandes compagnies pour solder les travaux qui leur ont coûté pendant une longue période une somme annuelle d’environ 400 millions, on imagina de créer en quelque sorte des obligations d’état, amortissables à un prix supérieur à celui de l’émission, mais devant laisser l’avenir libre du fardeau que le présent était capable de supporter. La dette perpétuelle fut réservée pour parer en quelque sorte aux grandes nécessités publiques ; pour les chemins de fer, on a créé le 3 pour 100 amortissable.

Une sérieuse controverse a été soulevée sur la valeur théorique de cette nouvelle forme d’emprunt. Sans l’aborder ici, on peut reconnaître que la faveur publique n’en a pas encore consacré l’usage. Les cours cotés à la Bourse montrent que le 3 pour 100 amortissable ne se paie pas ce qu’il vaut mathématiquement par rapport à nos autres rentes sur l’état ; l’émission du dernier milliard offert au public n’est pas encore achevée, en ce sens que, selon le terme consacré, cet emprunt n’est pas classé : il est dans les gros portefeuilles, et le public, tenu en garde par la probabilité de nouvelles émissions, ne se presse pas de l’absorber. Ces obligations d’état lui plaisent moins d’ailleurs que les obligations si connues des chemins de fer, constituant des unités complètes, semblables les unes aux autres, d’un chiffre égal et qui offrent au possesseur d’un seul titre un bien de tous points pareil à celui de l’heureux capitaliste qui en réunirait plusieurs milliers.

Quel que soit d’ailleurs l’empressement plus ou moins vif avec lequel le 3 pour 100 amortissable est recherché, il faut avant tout examiner l’emploi plus ou moins étendu qu’on en veut faire et fixer ainsi l’émission plus ou moins abondante qui sera nécessaire. Or il devient chaque jour plus difficile de résister aux exigences universelles à l’endroit des travaux de chemins de fer. Après le classement des lignes d’intérêt général et celles d’intérêt local, après les favorisées des tableaux A et B, sont venus les projets de chemins à voie étroite ou sur routes, chemins vicinaux en quelque sorte à établir de village à village et pour lesquels l’état ne manquerait pas d’apporter son appoint aux sacrifices des départemens et des communes, ainsi qu’il l’a fait décider par les chambres pour les chemins de fer d’intérêt local, avec, il est vrai, un maximum déterminé. On a tant parlé de vie à bon marché, de profits à tirer de la modicité du prix des transports et de la rapidité des parcours et des échanges que l’opinion publique ne s’est pas bornée à réclamer le prompt établissement des voies ferrées qui les procurent. ; elle affirme, en outre, que le temps est venu de faire égale justice à tous, de répandre sur tous les bienfaits dont quelques-uns seulement ont joui, alors que, payés par l’état, ils l’ont été réellement par