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parce qu’il satisfait à beaucoup de prétentions locales sans en désespérer aucune, et surtout parce qu’il laisse en suspens la question du régime auquel devra être soumise l’exploitation des chemins de fer, que beaucoup voulaient voir revenir à l’état. Tant qu’ils ne seraient pas exécutés, et les favorisés du premier tableau n’avaient obtenu aucune assurance sur le moment de cette exécution laissée tout entière à la décision des chambres, il n’y avait rien à redouter pour le système d’exploitation définitif. Le ministre lui-même, en déclarant que le mode présenté par lui ne serait que provisoire, ne se prononçait ni pour ni contre tel ou tel régime ; il se bornait à dire « qu’il avait voulu répondre aux vœux du pays en assignant un but à son activité, en promettant un emploi national à ses capitaux, en délimitant le domaine exact de la viabilité ferrée d’intérêt général et en ouvrant par la suite le champ à l’initiative départementale pour la viabilité d’intérêt local. »

Ces pensées étaient louables à coup sûr, mais dénotent-elles un esprit très pratique ? donneront-elles tout ce qu’elles promettent ? En décidant, sans en fixer la date, l’exécution de courts tronçons séparés par des distances énormes, en la confiant à l’état, à charge par lui, s’il ne peut les donner à bail, de les exploiter provisoirement, le gouvernement a renouvelé et augmenté dans de plus grandes proportions l’expérience qu’il avait faite en créant le réseau de l’état. Au lieu d’un seul, il peut en quelque sorte en avoir dix, aussi difficiles, aussi coûteux à exploiter. N’y a-t-il pas un sérieux embarras financier à redouter à cet égard ? et cet embarras ne s’est-il pas considérablement accru depuis qu’aux cent cinquante-quatre lignes d’intérêt général présentées par M. de Freycinet, la chambre en a ajouté beaucoup d’autres et que la loi du 2 avril 1879 a porté le classement à cent quatre-vingt-une lignes nouvelles ? Avant tout et pour l’exécution des travaux, les moyens prévus suffisent-ils ? Cette dépense de près de quatre milliards applicable aux chemins de fer seuls sera-t-elle supportée en dix ans, comme on se l’est promis, sans qu’il en résulte aucun dommage pour le crédit public ? En un mot, le plan de M. de Freycinet se développera-t-il sans encombre ?

Pour assurer l’exécution d’un ensemble de travaux qui imposait à l’état une si énorme dépense, le ministre des finances avait à se préoccuper de trouver des ressources financières suffisantes, sans nuire cependant à deux opérations alors en cours, le remboursement complet à la Banque de France de ses avances pendant la guerre et la reconstitution non encore achevée de nos forces militaires. L’emprunt seul pouvait y faire face, et l’accroissement si rapide de la fortune publique permettait d’y recourir facilement. Ce iut alors que, par une combinaison dont beaucoup d’esprits furent