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accusations de complaisance de l’administration envers les grandes compagnies dans l’homologation, on devrait dire l’approbation des tarifs, d’abandon regrettable de la souveraineté de l’état, d’aliénation de la propriété nationale. Mal fondés pour la plupart, ces reproches ont jeté sur le régime des conventions un peu de discrédit dont les conséquences subsistent encore.

Il reste enfin, pour achever l’exposé des mesures prises sous le second empire, à relater la loi relative aux lignes d’intérêt local, dont l’étude dépasse les limites que nous nous sommes prescrites, mais dont le développement n’a pas manqué de réagir sur la fortune des grandes compagnies.

La pensée qui a donné naissance à cette loi de 1865 s’est clairement manifestée dans l’exposé de motifs présenté à l’appui du projet et dans le travail qu’une commission spéciale venait à cette occasion de remettre au ministre des travaux publics pour préciser les caractères spéciaux dont les nouvelles entreprises devaient être revêtues. Un chemin d’intérêt local, disait-on, est destiné exclusivement à relier les localités secondaires aux lignes principales en suivant soit une vallée, soit un plateau, et en ne traversant ni grandes villes ni chaînes de montagnes. Ces chemins ne peuvent guère s’étendre sur une longueur de plus de 30 à 40 kilomètres et ne nécessitent pas un service de nuit. Après avoir reproduit cette quasi-définition des chemins de fer d’intérêt local, l’exposé de motifs ajoutait : « La loi dont nous venons de retracer l’esprit général répond, nous ne saurions trop le redire, à un intérêt de premier ordre : elle est destinée à jouer un rôle analogue à celui de la loi de 1836 sur les chemins vicinaux, qui, en sillonnant le territoire de nombreuses voies, affluens des grandes routes décrétées en 1811 par Napoléon Ier, a fait pénétrer jusque dans les plus humbles villages l’activité, la richesse et avec elles les lumières et la civilisation. »

C’était, en effet, pour satisfaire d’une façon définitive à l’intérêt de tous les habitans du sol français, comme pour rattacher cette grande œuvre au souvenir des glorieux travaux de l’empereur Napoléon Ier que son neveu avait été le principal instigateur de la loi nouvelle. Malheureusement les dispositions prises ne répondirent pas à ces espérances, et les plus graves abus ne tardèrent pas à se produire dans la construction des nouveaux chemins de fer et dans la constitution des sociétés qui en furent chargées.

Il avait été stipulé pour ces chemins que les départemens et les communes pourraient les établir directement ou accorder leur concours à des concessionnaires, l’état devant ajouter des subventions jusqu’à concurrence d’une somme totale de 6 millions. On trouva bientôt moyen d’éluder toutes les prescriptions de la loi. Loin d’être