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fermeté à 540. L’assemblée convoquée pour la fin de juin aura à statuer sur la mise des actions au porteur et sur la création d’obligations.

L’émission tentée par le Crédit foncier égyptien a complètement échoué. Une seule souscription a réussi depuis la crise, celle de la compagnie du Canal de Corinthe.

Un des traits les plus sombres de la situation actuelle est la désorganisation complète du marché des valeurs d’assurance provenant du découragement profond des porteurs de ces titres pour lesquels, il y a deux ans à peine, le public manifestait un engouement si vif. Il faut avouer que le désenchantement a été singulièrement rude. Les cours des actions d’assurance avaient été portés à des hauteurs fantastiques ; il semblait que des hommes d’initiative eussent ouvert aux capitalistes l’entrée de la terre promise en mettant à la portée de la petite épargne un placement réservé jusque-là à de rares privilégiés et qui avait été la source d’immenses fortunes.

Qui ne se rappelle ce temps où chaque jour voyait se constituer une compagnie nouvelle d’assurance ? On avait commencé par des fusions, des combinaisons, des dédoublemens de titres d’anciennes sociétés ; puis fut inaugurée lère des créations. On exploita d’abord la branche incendie, puis la branche vie, la branche grêle et enfin la branche accidens. Depuis qu’on avait vu l’action de l’Abeille vie, libérée de 250 francs, s’élever à 2,400 francs sans avoir donné un centime de dividende, on n’assignait aucune limite à la hausse ; c’est alors qu’on émit la Foncière au-dessus de 700, la Métropole à 740, la Réassurance générale à 625, la Rouennaise et tant d’autres à 300 ou 400 francs de primes ; la spéculation se livra aux plus étranges fantaisies et les fondateurs de sociétés réalisèrent des bénéfices énormes.

Pendant ce temps, une concurrence effrénée arrêtait le développement des compagnies anciennes et sérieuses efforçait les nouvelles à entrer dans la voie néfaste des risques dangereux acceptés avec des primes réduites ; on allait chercher des affaires aux États-Unis, en Russie, partout où se trouvait quelque matière à assurance ; c’est là que plusieurs sociétés ont déjà trouvé la ruine. Puis, après un exercice mauvais (1880), les compagnies d’assurance contre l’incendie eurent à subir un exercice désastreux (1881). Aujourd’hui, on liquide les folies du passé. Tous les titres nouveaux se négocient à des cours de plus en plus dépréciés ou sont absolument invendables, et les porteurs des litres anciens ont vu leurs revenus diminuer.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.