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peut-être dans les Portraits de la marquise, Mlles Tholer et Kalb eussent été moins nuisibles que Mlles Baretta et Reichemberg ; elles auraient eu cet avantage d’y faire chacune son métier.

C’est quelque chose, dis-je, que Mlle Kalb pour remplacer Mlle Brohan. C’est aussi quelque chose, mais peu de chose, que MM. Thiron, Leloir et de Féraudy pour remplacer Provost, Samson et Régnier dans les trois Crispins de la Famille Poisson. Même en tenant compte de l’appoint qu’apporte la gaîté de M. Thiron à l’inexpérience morose de ses jeunes camarades, il est impossible de ne pas voir un abîme entre ces deux distributions. Si M. de Féraudy s’était exercé plus souvent, peut-être sa verve serait-elle plus épanouie ; M. Leloir, au feu de la rampe, se serait peut-être dégelé. Tels quels, ces jeunes gens auraient dû céder le pas, cette fois, à des comédiens de plus d’autorité et de plus d’agrément, à M. Coquelin, par exemple, et à M. Got : il ne fallait pas moins que ces noms réunis sur l’affiche pour honorer comme il convenait la mémoire de Samson. C’est, je pense, à l’occasion de la publication de ses Mémoires[1], qu’on a repris l’ingénieux ouvrage de ce modèle des sociétaires. Écrit en vers corrects, cet épisode d’une légende théâtrale est bien disposé pour la scène ; chaque rôle y fait valoir, si le directeur y pourvoit, les talens variés d’un artiste ; même, au cours de la pièce, un plaisant hors-d’œuvre, la parodie des stances du Cid, rappelle que le comédien Samson fut un homme de bonnes lettres comme de bonne compagnie. La chose méritait, en somme, puisqu’on décidait cette reprise, qu’on se mît plus en frais.

Je serais désolé que messieurs du comité vissent en ces observations un parti-pris de mauvaise humeur. Pour gage du juste esprit qui m’anime envers eux, je leur adresserai mon compliment sur le goût dont ils ont fait preuve en montant l’opuscule de M. de Massa, Service en campagne. Cette bluette d’un amateur est mise en scène le mieux du monde ; M. Worms et Mlle Reichemberg la jouent à ravir ; le public l’a galamment accueillie, et il a bien fait. Il a bien fait non-seulement parce que l’auteur a choisi un cadre ingénieux et neuf pour une fable assez touchante, parce que sa pièce est écrite facilement et ses vers agréables, mais encore et surtout parce que c’est l’œuvre d’un amateur. Je répète ce mot à dessein, parce que je ne l’aime guère et que l’occasion se présente de m’expliquer là-dessus. J’ai surpris dans un entr’acte, après Service en campagne, des murmures contre M. Perrin : la Comédie-Française, à présent, jouait les amateurs et les gens du métier se morfondaient à sa porte ; M. Coppée avait dû reléguer le Trésor à l’Odéon, et Xanthippe, de M. de Banville, attendait vainement son tour. Eh bien ! je suis persuadé que les sociétaires ont tort de ne pas jouer Xanthippe, et

  1. 1 vol. in-18 ; Ollendorf, éditeur.