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Sorbonne, qui vient d’être enlevé à trente ans, se proposait de publier le précieux album conservé à la bibliothèque de l’Escurial, où cet artiste, à côté de la plupart des monumens de la Rome du XVIe siècle, a reproduit d’après nature et dans un costume tout à fait caractéristique, les traits de Michel-Ange, dont il était devenu le compagnon assidu.

François était le fils d’un enlumineur, Antoine de Hollande, fixé en Portugal ; il était né à Lisbonne, et le roi Jean III l’avait envoyé en Italie pour étudier l’art ; c’était déjà la mode en Portugal dès le premier quart du XVIe siècle. L’artiste pensionnaire avait l’esprit ouvert, il recherchait les hommes en vue (on voit même par ses récits qu’il était d’abord importun au peintre de la chapelle Sixtine) ; bientôt il fut adopté par eux et recueillit leurs doctes entretiens. Il faisait partie de cette société choisie qui se réunissait chez Vittoria Colonna à Monte-Cavallo, et le manuscrit original : « Dialogue sur la peinture dans la ville de Rome » dédié à Jean III, et conservé autrefois dans la bibliothèque du Jésus, contient un procès-verbal fidèle des séances de ce cénacle dans lequel l’avaient introduit Tolomei Lactansio et le secrétaire du pape. En 1548, François revint à Lisbonne tout imbu des idées italiennes, et avançant d’un siècle sur ses compatriotes ; en présence de ce qui se passait alors en Portugal, il gourmanda ses contemporains et leur donna les artistes italiens pour exemple. Ses manuscrits se répandirent, et son action s’exerçant par la plume et le pinceau, il déplora la « confusion des styles » et se mit à juger les arts de son temps comme les critiques contemporains les jugeraient aujourd’hui. Injuste à l’égard des artistes de son pays, dans ces documens, considérables en raison du temps et des circonstances dans lesquelles il les écrivit, il affecta même un superbe mépris à l’égard de l’école portugaise tout entière. En fait, son influence fut grande, et il vécut dans la société de la cour ; l’un des infans, D. Luiz, esprit distingué et passionné collectionneur, lui avait même confié le soin d’acheter des objets d’art en Italie ; il se posa en réformateur et traça à son propre souverain une sorte de programme, comme l’aurait fait un surintendant des beaux-arts. C’est à ce moment qu’on importa en Portugal la plupart des objets d’art italien qu’on y voyait encore il y a quelques années, soit en la possession des collectionneurs, soit dans la décoration des monumens publics. Les Allemands étaient débordés, le mouvement d’impulsion de la renaissance italienne devenait irrésistible ; il envahit tout. Il fallut des circonstances politiques de premier ordre pour arrêter cette expansion ; on sentait déjà que les fameuses conquêtes qui avaient amené la prospérité seraient fatales au pays en détournant la nation de l’agriculture et substituant des chimères aux réalités de la vie pratique. L’inquisition aussi s’était établie en Portugal sous Jean III,