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que pour 1,000 décès il y a eu, de 1872 à 1876,1,315 naissances, soit pour 1,000 habitans environ 28 décès et 37 naissances, en chiffres ronds[1].

Ces données ont une importance qui n’échappera à personne. Elles prouvent que la race française n’a pas perdu l’énergie vitale dont elle a jadis donné tant de preuves. Dès que le sol ne lui fait plus défaut, dès que les conditions sont telles qu’une nombreuse famille est source de richesse, et non d’appauvrissement, elle redevient féconde, et les familles françaises redeviennent nombreuses.

La stérilité en France est volontaire, car il n’y a pour une famille de paysans aucun avantage à être nombreuse. La culture du sol ne rapporte que de maigres bénéfices, et le campagnard ne se soucie pas de faire souche d’individus condamnés à végéter sur un sol trop étroit.

Mais que cette race, économe d’enfans parce les enfans sont une source de misère et qu’elle est affamée de bien-être, se trouve transportée dans une région peu habitée et peu cultivée, alors le principal souci n’est plus de conserver intact le petit patrimoine héréditaire, mais de creuser un sillon, de défricher, de planter, de faire rendre à un sol ingrat tout ce qu’il peut donner. Alors la famille nombreuse est utile, et la race stérile devient féconde. Stérile dans un pays fertile, où l’aisance est presque universelle, elle devient féconde dans un pays à demi sauvage, où la rudesse du climat et la pauvreté du sol ne peuvent être vaincues que par le labeur acharné d’une nombreuse population.

On a dit souvent, et peut-être quelques hommes distingués croient encore que la France a dépensé inutilement pour l’Algérie son or et son sang depuis un demi-siècle. Il nous semble, au contraire, que cette colonisation africaine est une magnifique conception qui devient de jour en jour une magnifique réalité. De toutes les entreprises, — et chacun sait, hélas ! qu’elles sont nombreuses, — que la France et ses gouvernans ont ébauchées depuis le commencement de ce siècle, l’entreprise de la colonisation algérienne est peut-être la seule qui produira des résultats utiles. Le sang versé en Crimée, en Italie, au Mexique, en Chine, s’il a servi à la gloire, n’a rien apporté à la puissance ou à la prospérité de notre patrie. Au contraire, la

  1. Voici les chiffres donnés par M. Ricoux, dans son excellent livre intitulé : la Démographie figurée de l’Algérie. Les chiffres sont rapportés à une population de 1,000 habitans :
    Mortalité. Natalité. Excédent des naissances.
    Algérie 28.16 37.05 8.89
    France 22.87 26.63 3.14