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de la grotte, et les corps des satyres et des faunesses se modèlent dans la clarté blonde.

Des trois plafonds importans qui sont exposés, le meilleur est le Triomphe d’hyménée de M. Perrault. La composition s’agence en lignes heureuses et les figures plafonnent bien. M. Bin, qui à défaut des charmes de la couleur trouve ordinairement le caractère, — un caractère un peu massif, mais imposant, — l’a cherché en vain pour son Apothéose de la ville de Poitiers. M. Toudouze a peint le Triomphe de Diane dans une gamme froide et fausse, avec des contours découpés à l’emporte-pièce. Et quel singulier cortège : des Amours perçant de flèches des oiseaux bleus pour cette singulière Diane vêtue d’hermine comme un chat-fourré ! Puisque nous en sommes aux conceptions bizarres, c’est le moment de voir la France glorieuse de M. Jacquet. Pauvre petite France, bien gentille et bien musquée, costumée en danseuse de la Princesse d’Elide et portée sur une gloire de féerie ! Et dans le bas du tableau, des soldats de Rocroi ou des Dunes se font tuer pour cette mièvre allégorie !

M. Dubuffe fils a symbolisé la Musique sacrée et la Musique profane dans une toile de 96 mètres qui est d’un vide attristant. Qu’on s’imagine une sorte de diptyque dans une double arcade peinte en trompe-l’œil. Le compartiment de droite est occupé par un vaste escalier de marbre accédant à une église : décor pour la Musique sacrée. Dans le compartiment de gauche se développe un moins vaste escalier de marbre conduisant à un temple grec : décor pour la Musique profane. La Musique sacrée, c’est sainte Cécile touchant de l’orgue, au milieu d’apparitions angéliques. Un chérubin aux grandes ailes diaprées pousse même l’amabilité jusqu’à tourner les feuillets de la partition placée devant la sainte. Outre le vide de ce panneau et son éclairage surnaturel, il faut y critiquer l’alliance gauchement exprimée du fantastique et du réel. Nous comprenons fort bien la présence des anges, mais nous ne comprenons pas pourquoi les orgues, qu’on place généralement dans les églises, sont placées ici au pied de l’escalier qui conduit à l’église. Ce tabouret rond, sans doute à tige tournante, sur lequel est assise sainte Cécile, n’est-il point de fabrication trop moderne ? Enfin sainte Cécile, il nous semble, doit jouer d’inspiration ou de mémoire. Elle n’a pas besoin de déchiffrer les partitions, comme une pensionnaire du couvent des Oiseaux. Que servirait alors de porter le nimbe d’or des bienheureux ? La Musique profane est assez pauvrement personnifiée par un joueur de flûte, juché les jambes pendantes sur le piédestal d’un lion de basalte. Les anges translucides de l’autre panneau sont remplacés avec agrément par des femmes nues qui écoutent les sons de la flûte en prenant de charmantes attitudes où la manière le dispute à la vraie grâce. Le galbe de ces figures est élégant ; toutefois