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un cirque qui existait alors près de la Tamise et qui s’appelait le Bull-Ring. La réunion s’était terminée sans désordre, lorsqu’au moment de la sortie, apercevant la police, on se rue sur elle. Plusieurs agens sont blessés. La troupe intervient et disperse la foule. Quelques-uns des meneurs sont arrêtés ; parmi eux, le secrétaire de la convention nationale. Le 15 juillet, nouvelle manifestation sur le même point. Procession à travers les rues, cris séditieux, boutiques défoncées ; la troupe encore une fois obligée d’intervenir. Le mouvement se propage en province : le 20 juin, désordres à Newcastle. Le 22 juillet, entrée en scène d’un nouvel agitateur, Smith O’Brien, Irlandais comme O’Connor, plus distingué de naissance et de manières, mais non moins ardent. Il organise avec Feargus une grande manifestation pour le dimanche 11 août. Au jour dit, on marche en troupe vers la cathédrale de Saint-Paul et on l’envahit. Le tumulte est à son comble. Tout à coup, un ministre du culte monte en chaire. Par respect, ou simplement par habitude, on fait silence. Le prédicateur lit le passage des saintes Écritures qu’il a choisi pour texte de son sermon : « Ma maison est une maison de prières et vous en avez fait un repaire de brigands. » À ces mots, un mouvement de recul se produit dans la foule ; elle se calme et se disperse. La présence d’esprit d’un clergyman a évité une émeute.

Enfin, le 4 novembre, se produisit à Newport une véritable tentative d’insurrection. Cette ville, située dans le pays de Galles, au centre de vastes exploitations minières qui occupent une nombreuse population d’ouvriers, était devenue un foyer de propagande chartiste. Un des meneurs du parti dans la région, un nommé Henry Vincent, ayant été arrêté et emprisonné, ses coreligionnaires politiques organisèrent un complot pour le délivrer et pour s’emparer en même temps de la ville. Ils avaient à leur tête un négociant, M. Froost, ancien juge de paix révoqué à cause de ses opinions. Les dispositions avaient été assez bien prises. Les chartistes, divisés en trois corps, devaient se trouver à deux heures du matin aux portes de la ville pour marcher simultanément sur la prison. Par suite de divers contre-temps, comme il s’en produit presque toujours en pareil cas, ils n’arrivèrent au rendez-vous que vers quatre heures du matin. Ils étaient au nombre de vingt mille. Les autorités avaient eu vent du complot. Le maire, M. Philipps, était là avec la petite garnison de la ville. Au premier choc, les chartistes se dispersèrent M. Philipps, qui montra beaucoup de résolution et de sang-froid dans cette affaire, fut atteint par deux coups de feu. Froost et quelques autres meneurs furent arrêtés le lendemain. Ils ne passèrent en jugement que le 6 juin 1840 et furent condamnés à mort pour haute trahison. Leur peine fut d’abord commuée en celle de la