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baron Van Golstein s’est immédiatement retiré. Puis enfin, entre bien d’autres difficultés, est venu ce traité de commerce franco-hollandais qui, après avoir été présenté et repoussé une première fois, a été remanié, amendé et soumis de nouveau au parlement. Dès le premier instant, il était clair que le malheureux traité trouvait peu de faveur, qu’on ne lui faisait pas bonne figure. Vainement le ministre des affaires étrangères, M. Rochussen, et quelques députés, ont mis tout leur zèle à le défendre, à rappeler que l’industrie et le commerce avaient été les premiers à le demander, afin que la Hollande ne tombât pas sous la loi du tarif général français. L’opposition ne s’est pas montrée satisfaite. Protectionnistes et libre-échangistes se sont alliés ; ils ont fait campagne contre le traité, sous prétexte qu’il n’offrait pas beaucoup plus d’avantages que le tarif général et que la Hollande aliénait, sans compensation suffisante, la liberté de modifier ses propres tarifs. La durée de dix ans, assignée au traité, a été surtout un des griefs allégués par l’opposition. Bref, au scrutin, le traité n’a obtenu que trente-sept voix ; il a été repoussé par quarante-trois voix. Le gouvernement en a été pour un échec de plus.

On a dit, probablement pour faciliter le succès de l’opposition au dernier moment, qu’il fallait écarter la politique de la discussion, qu’il n’y avait pas de question ministérielle en jeu, et dans le fond c’est peut-être la politique seule qui a dicté le vote contre un cabinet dont les partis ne sont pas contens. C’est la politique qui a prévalu sur l’intérêt économique. Il s’ensuit que provisoirement cet intérêt est sacrifié, que la Hollande va être soumise au tarif général français, et les députés qui ont repoussé le traité ne tarderont pas à s’apercevoir qu’ils ont médiocrement servi l’industrie et le commerce de leur pays. Dans tous les cas, le résultat le plus clair, le plus immédiat du vote de la seconde chambre de La Haye, c’est que le ministère tout entier a cru devoir donner sa démission. Il reste à savoir comment cette crise va finir, comment le ministère Van Lynden sera remplacé. Le roi trouvera-t-il dans la confusion des partis les élémens d’une administration assez forte pour avoir une majorité, pour exercer le pouvoir avec autorité ? Se bornera-t-on à remanier encore une fois l’ancien cabinet en écartant les ministres qui se sont le plus engagés dans l’affaire du traité de commerce ? La question ne laisse pas d’être difficile, même dans un pays où il est rare que le dernier mot ne reste pas au bon sens et à la modération.


CH. DE MAZADE.