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Il y a cependant un intérêt étrange à parcourir ces régions, et quoique l’oasis de Biskra présente à peu près le même aspect que les diverses oasis de l’Oued-Rir, une excursion dans l’Oued-Rir est aussi intéressante qu’elle est facile. On peut ainsi, en quatre ou cinq jours, atteindre Tougourt. De Tougourt, il ne faut guère plus de trois à quatre jours pour arriver à Ouargla, c’est-à-dire à l’extrême limite méridionale de la domination française en Algérie. Ou bien on peut encore aller en trois jours à El-Oued et de là à la frontière tunisienne. Toutes ces pérégrinations n’offrent pas l’ombre d’un danger au point de vue de la sécurité ou de la santé, et il est assez surprenant qu’il se trouve si peu de personnes pour les entreprendre.

Il est vrai qu’on ne trouve ni diligences, ni hôtels. On est forcé de voyager à cheval ou sur des mulets, d’emporter avec soi toutes les provisions nécessaires, de faire route au grand soleil pendant des journées entières, et de n’avoir, la nuit, pour tout abri que les bordj, plus ou moins ruinés, échelonnés le long du trajet, ou l’hospitalité des cheiks. Mais, à vrai dire, il importe assez peu, et ce n’est pas pour trouver les raffinemens du luxe qu’on s’éloigne de la France.

De crainte qu’on ne s’exagère ce que nous entendons par le mot : « hospitalité des cheiks, » nous dirons qu’elle consiste seulement en un abri donné aux voyageurs. Dès qu’on arrive dans un village, on demande la maison du cheik, et il n’est pas besoin de recommandation spéciale ou de lettres d’introduction pour être accueilli. Ces pauvres diables de cheiks sont d’assez bonnes gens en somme, qui sont trop heureux de faire valoir, pour être exemptés de quelque impôt, le souvenir d’une assistance donnée à un voyageur français. On entre dans la hutte de palmiers et de boue. Toute la famille (sans les femmes bien entendu) est accroupie sur des nattes, humant silencieusement le café ; et quand l’étranger vient, on se contente de se ranger pour lui faire place. On lui offre une tasse de café, une galette de pain sans levain et quelques dattes. On lui demande d’où il vient, où il va, qui il est. On l’interroge sur les événemens récens qu’il a appris, et qu’il peut raconter ; et, le soir venu, on lui donne asile au milieu de la famille, pour qu’enveloppé dans son burnous ou sa couverture, il puisse se reposer des fatigues de la journée. Certes, ce n’est pas là cette hospitalité orientale dont on parle dans les contes arabes ; mais à tout prendre, ces pauvres cheiks offrent ce qu’ils ont, et ce n’est pas leur faute si ce qu’ils offrent est peu de chose.

La capitale de l’Oued-Rir, c’est-à-dire Tougourt, n’est, pas plus que les autres oasis, une ville où le luxe soit développé. Il y a beaucoup de palmiers, beaucoup de huttes, quelques maisons, un marché assez important et une mosquée. Voilà à peu près tout ce qu’est Tougourt. L’autorité militaire française a fait bâtir une caserne, et quelques